samedi 19 septembre 2015

Seuls ensemble

Pour entrer en contact avec ceux qui sont loin nous avons d'abord envoyé des lettres puis des télégrammes  avant que le téléphone permette d'entendre les voix. Ces techniques étaient des substituts : elles étaient mieux que rien quand il était impossible de se voir en tête à tête. Mais nous avons très vite commencé à préférer parler au téléphone plutôt que de se voir. Dès les années 70, nous n'étions jamais très loin de nos téléphones, car l'arrivée des répondeurs téléphoniques nous invitait déjà à surveiller tous nos appels entrants. Les gens apprenaient à laisser le téléphone sonner et à "laisser le répondeur décrocher à leur place". 
A l'étape suivante de cette histoire, c'est la voix elle même qui disparut  des messages quand il devint plus rapide de communiquer par écrit. Les emails permettaient de mieux contrôler son temps et l'exposition de ses émotions. Mais même les mails n'étaient plus assez rapides. 
Avec l'arrivée de la connectivité mobile (les textos, les tweets) nous pouvons maintenant parler de nos vies presque aussi vite que nous les vivons et nous pouvons "traiter" les gens aussi vite qu'on le souhaiteL'écoute elle, ne peut que nous ralentir. Nous nous exprimons par salves de messages lapidaires, mais nous en envoyons énormément, souvent à plusieurs destinataires à la fois. Nous en recevons encore plus de réponses- et l'idée de communiquer autrement que par écrit finit par paraître épuisante. De plus, Par texto, par chat ou par email, on peut ne dire que ce que l'on veut dire et cacher le reste. On peut se présenter comme on veut "être vu". Nous rêvons de n'être jamais seuls et de toujours contrôler la situation.  En ligne, nous trouvons facilement "de la compagnie", mais l'exigence d'être en représentation permanente nous épuise. Nous aimons être toujours connectés, mais on nous accorde rarement une attention totale. Nous touchons un public quasi instantanément mais affadissons notre propos par le formatage bref ou l’utilisation d’abréviations, d'émoticônes. Nous faisons de nouvelles rencontres, mais elles nous paraissent instables, toujours susceptibles d'être mises sur "pause" si une meilleure occasion se présente.
Nous aimons penser qu'Internet nous "connait" mais nous payons ceci de notre vie privée et laissons derrière nous des traces numériques qui peuvent être exploitées politiquement et commercialement. Internet est un régime de surveillance qui n'oublie jamais rien. Cette idée est si intolérable qu'on fait comme si de rien n'était.

Le système est en train de se retourner contre nous. Comme aurait pu le dire Shakespeare, aujourd'hui "Ce qui nous nourrit nous consume". 

D'après "Seuls Ensemble". Sherry Turkle. Editions l'Echappée
Isaac Cordal. The office
'../... une pure accumulation de données finit par saturer et obnubiler, comme une espèce de pollution mentale. En même temps, les relations réelles avec les autres tendent à être substituées, avec tous les défis que cela implique, par un type de communication transitant par Internet. Cela permet de sélectionner ou d’éliminer les relations selon notre libre arbitre, et il naît ainsi un nouveau type d’émotions artificielles, qui ont plus à voir avec des dispositifs et des écrans qu’avec les personnes et la nature. Les moyens actuels nous permettent de communiquer et de partager des connaissances et des sentiments. Cependant, ils nous empêchent aussi parfois d’entrer en contact direct avec la détresse, l’inquiétude, la joie de l’autre et avec la complexité de son expérience personnelle. C’est pourquoi nous ne devrions pas nous étonner qu’avec l’offre écrasante de ces produits se développe une profonde et mélancolique insatisfaction dans les relations interpersonnelles, ou un isolement dommageable'.
Le Pape. Encyclique Laudato si'
Hyperconnectivité. Waldemar von Kazak
Zuckenberg et ses fans
Hillary Clinton et ses fans
Voir aussi sur ce blog : 
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2013/12/facebook.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2014/04/rezos-sociaux.html

Et aussi : http://culturainquieta.com/es/lifestyle/item/8685-25-ilustraciones-satiricas-sobre-nuestra-adiccion-a-la-tecnologia.html

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