samedi 26 avril 2014

Rézos sociaux

Internet est planétaire. Les blogs et Facebook nous invitent à nous mettre en scène. Avec Facebook nous avons un auditoire sous la main. Nous pouvons devenir, à des degrés divers, des personnages publics, des communicants, mettant en scène avec plus ou moins de soins ou de talents notre vie quotidienne. Mais en fin de compte, quoi de neuf sous le soleil ?


Le psychiatre Serge Tisseron rappelle que la mise en scène de nous même à laquelle nous invite Facebook  est un désir vieux  comme le monde. Pour lui, raconter les événements petits ou grands de sa vie répond au besoin intemporel de valoriser ses expériences et de leur donner du sens. Dans son essai "Virtuel, mon amour", il rappelle que pour affirmer son identité, il faut littéralement 'se découvrir, se mettre à nu face aux autres. C'est ce qu'il nomme le "désir d'extimité", qui n'est autre que celui de rendre publiques des parties secrètes de soi pour les faire reconnaître et valider dans son entourage. L'exhibitionniste est une sorte d'acteur cabotin et répétitif alors que l'internaute est un expérimentateur de lui même". 

 'Internet est un troisième monde, qui n’est ni imaginaire car il y a de véritables interactions, ni réel car il n’y a ni faux ni vrai. Je ne sais pas s’il faut calquer les règles de l’univers réel sur le virtuel. Dans le virtuel, il ne peut y avoir d’authentification. Par exemple, dans la réalité, ceux qui s’inventent une fausse vie en assurant qu’ils sont chefs d’entreprise alors qu’ils sont chômeurs, c’est souvent par escroquerie. Or sur le Net, les gens disent ce qu’ils ne sont pas. Pourtant, multiplier les identités numériques en se faisant passer pour une femme quand on est un homme, en ouvrant plusieurs blogs, en créant plusieurs comptes de messagerie, cela ne veut pas dire que l’on veut manipuler ceux à qui l’on parle sous ces diverses identités, mais c’est plutôt une façon de mieux se trouver.'

Les réseaux sociaux sont de nouvelles formes d'expression dans lesquelles le personnel fait l'objet d'une mise en scène calculée. Selon Cynthia Haven, de l'université de Harvard, ce phénomène n'a rien de nouveau. Pour elle, le service public des postes représentait pour les européens du XVIIème et du XVIIIème siècle l'équivalent de nos réseaux sociaux.  A l'époque des milliers de lettres traversaient Paris chaque jour. Voltaire en écrivait entre dix et quinze dans la journée. Racine se plaignait de ne pouvoir suivre le rythme et répondre à toutes les missives qui lui arrivaient. On assista à une explosion de l'écriture , un phénomène d'hyper-écriture qui donna naissance aux lumières et à a création de nouveaux espaces publics , comme les salons, l'Académie française ou l'Académie des sciences. Ces nouveaux espaces soulevèrent alors des questions proches de celles qui agitent aujourd'hui les réseaux sociaux :
Comment s'y comporter, comment y apparaître aux yeux des autres ? comment construire son image publique.




Ci dessus, illustrations de Pawel Kuckzynski

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