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mardi 1 novembre 2016

La mort en Suisse

Molécule de Pentobarbital
Penser à sa propre disparition : un égoïsme de Toussaint.

La Suisse, contrairement à la plupart des pays européens, n'a pas de juridiction claire en matière de suicide assisté. L'aide au suicide n'y est pas poursuivie dans la mesure ou elle s'incrit dans un but d'aide à une situation désepérée, et sous couverture médicale.

Conditions générales
: Pour pouvoir bénéficier de l'AS (suicide assité) il faut, en principe, respecter cinq conditions:

  • Le discernement;
  • Une demande sérieuse et répétée;
  • Une maladie incurable;
  • Des souffrances physiques ou psychiques intolérables;
  • Un pronostic fatal ou une invalidité importante.
Entre la demande de suicide assisté et sa mise en pratique, il y a une période «de grâce». Un temps durant lequel le patient peut régler ses affaires et dire adieu à sa famille et ses amis. Après, une fois la date définitive fixée, le patient doit réitérer sa volonté, afin de bénéficier d'une solution diluée d'environ 10 grammes de pentobarbital de sodium qu'il doit ingérer lui-même.

Parmi les 6 organisations suisses* "de droit à la mort" seule l' association Dignitas semble accueillir les ressortissants français. La devise de Dignitas est "Vivre dignement, mourir dignement" et en effet, le prix de l'opération est de quelques centaines d'Euros pour l'adhésion, plus une dizaine de milliers d'Euros pour le grand voyage). 

Pour info, il faut savoir que près de 80% des personnes ayant obtenu la prescription médicale se sont accordé un temps de réflexion ou ont préféré mourir de mort naturelle. Mais elles se sont donné ainsi une certaine sécurité psychologique, car la mort demeure ainsi un choix disponible, si elles la désirent. 
D'après les données* ci dessous, Dignitas et StrebeHilfe  même si elle ne sont pas les associations regroupant le plus grand nombre de membres semblent les plus 'efficientes' puisque le taux d'AS annuel est de 26/1000 pour Dignitas et de 100/1000 pour SterbeHilfe. Cela peut être lié à une clientèle étrangère qui concerne des cas plus déterminés. (Les taux d'AS pour les organisations réservées aux résidents suisses  semblent  tourner autour de 5 ou 6/1000).

L'étude "Suicide tourism: a pilot study on the swiss phenomenum" (parue en juin 2014) note dans une comparaison aux statistiques de 1992 que  de plus en plus des maladies telles que les troubles neurologiques ou rhumatismaux, sont invoquées pour demander le droit à une mort digne (Cf Table3**). Autrement dit, de plus en plus de 'patients atteints de maladies non fatales ont recours au suicide assisté.  A noter toutefois que cette statistique peut être biaisée par des patients cumulant plusieurs maladies, comme par les 'touristes' étrangers qui ne peuvent attendre la phase terminale ou voyager à l'étranger devient impossible.


* Table1 : Associations suisses de droit à une mort digne.

** Table3 : maladies invoquées (période 2008 -2012)

Mise à jour 2022


Sources, aller plus loin : 

http://agora.qc.ca/thematiques/mort/dossiers/dignitas
Ouvrage récent (2020) et bien documenté sur le sujet : 

dimanche 29 janvier 2023

LSD25. Histoire de la découverte du LSD

 

Le LSD a été découvert en Suisse en 1943 par Albert Hofmann chimiste aux laboratoires Sandoz alors qu’il travaillait sur de nouvelles propriétés thérapeutiques aux dérivés de l’ergot de seigle.

Bien que l’ergot de seigle soit un redoutable poison identifié dès le XVIIème siècle on connaissait déjà de nombreux usages médicaux dérivés de ce minuscule champignon qui colonise les épis de seigle. Secale cornutum désigne la forme sclérote du Claviceps purpurea, champignon parasite toxique long de quelques millimètres qui pousse sur les épis de céréales et que l’on appelle couramment ergot de seigle’. L’ergot de seigle est décrit dès 1595 par Bauhin (botaniste suisse) puis sera identifié au XIXème siècle par Adolphe de Candolle (autre botaniste suisse) comme étant un champignon.

Source : Wikipedia
L’ergot de seigle fut longtemps responsable d'une maladie, l'ergotisme, appelée au Moyen Âge mal des ardents ou feu de saint Antoine, liée à la présence d'ergot dans le seigle utilisé pour fabriquer le pain. Cette maladie, qui dure jusqu'au XVIIe siècle, provoque des hallucinations semblables à ce que provoque le LSD, et une extrême vasoconstriction artériolaire, suivie de la perte de sensibilité des extrémités des différents membres puis de la nécrose des membres eux même qui peuvent se détacher du corps spontanément et sans hémorragie. À cette époque, les malades consumés par cette maladie étaient considérés comme des exemples de la justice divine possédés par le démon, ce qui se traitait naturellement par l’exorcisme ou le bûcher. 

L’historien Rodolphe écrivait : « En 993, il régna en France une grande mortalité parmi les hommes. C’était un feu caché qui, dès qu’il avait atteint quelque membre, le détachait du corps après l’avoir brûlé. Souvent l’espace d’une nuit suffisait pour cet effet. Beaucoup de gens de toutes classes périrent, et quelques-uns restèrent privés d’une partie de leurs membres pour servir d’exemple de la justice divine à ceux qui viendraient après eux.»  Au 11e siècle, Guérin la Valloire, un jeune noble français, souffrait du feu de Saint Antoine. Il parvint à se remettre du mal qui l'affligeait et attribua sa santé recouvrée aux reliques du saint ; son père et lui fondèrent alors ce qui allait devenir l'Ordre hospitalier de Saint-Antoine vers 1095. À la fin du 15e siècle, les moines avaient construit environ 370 hôpitaux à travers l'Europe, en France, en Flandre, en Allemagne, en Espagne et en Italie pour traiter les foyers de feu de Saint Antoine.

En 1918 le chimiste suisse Arthur Stoll isole l'ergotamine qui ouvre la voie à l'usage thérapeutique moderne de l’ergot de seigle connu pour ses propriétés vaso-constrictrices (qui resserrent les vaisseaux sanguins) utiles pour lutter contre les saignements à la suite de l’accouchement, et aussi contre certaines migraines, crampes etc. En 1929, A la fin de ses études en chimie, à l'Université de Zurich, Albert Hofmann, futur père du LSD, entre au laboratoire de recherches Sandoz à Bâle, comme collaborateur du Pr. Arthur Stoll alors fondateur et directeur de la division Pharmacie de Sandoz. 

Très jeune Albert Hofmann s’est intéressé aux agencements moléculaires des poisons végétaux (ciguë, curare…), aux champignons vénéneux (amanites, ergots…), aux venins, aux plantes psychotropes sacrées, aux phantasticum (haschich, mescaline). En 1930, utilisant du suc digestif d’escargot de Bourgogne, il réussit à isoler la structure chimique de la « chitine » dont sont faites les carapaces, les ailes et les pinces des insectes. En 1932, il s’intéresse à la scille et à la digitale laineuse, des fleurs vénéneuses dont les glucoses sont capables de soutenir un cœur affaibli – ou de l’arrêter. En 1935 Hofmann proposa de reprendre les recherches autour des alcaloïdes de l’ergot de seigle qui avaient conduit à l’isolement de l’ergotamine en 1918.  C’est ainsi qu’en 1938, dans l’intention d’obtenir un stimulant circulatoire et respiratoire, il inventa la vingt-cinquième substance dans la série des descendants synthétiques de l’acide lysergique : le LSD25. Les essais faits sur les animaux ne révélèrent pourtant pas d’intérêt pharmacologique ou médical et les recherches furent de ce fait suspendues. Pourtant, après cinq années d’interruption le chimiste reprit les expérimentations au printemps 1943, mû par le pressentiment que cette substance, dont il “aimait la structure chimique”, pouvait avoir d’autres propriétés. Hofmann a déclaré qu'il avait un "pressentiment particulier" le poussant à resynthétiser le LSD et que cette substance lui "parlait". 

Comment cette intuition a-t-elle pu s’imposer à Hofmann ? Dans le cadre d’une entreprise comme Sandoz, il n’était pas évident d’allouer des ressources à la reprise de recherches considérées comme sans intérêt. Nous ne saurons jamais ce qui a pu le motiver. Hofmann recherchait il secrètement un nouveau psychotrope « phantasticum »  ? Et en quoi la structure chimique de cette molécule lui parlait elle ?

Ce que l’on sait, il nous l’a dit, c’est qu’au cours d'une de ses promenades de jeunesse Hofmann avait eu une épiphanie, une expérience décisive qui conditionna toute sa vie future de chimiste et de d’explorateur du pouvoir des plantes. Ainsi la décrit il bien plus tard dans la préface de son livre « LSD mon enfant terrible » :

"Cela s'est passé un matin de mai - j'ai oublié l'année - mais je peux encore désigner l'endroit exact où cela s'est produit, sur un chemin forestier à Martinsberg, au-dessus de Baden",. "Alors que je me promenais dans les bois fraîchement verdoyants, remplis du chant des oiseaux et éclairés par le soleil du matin, tout à coup, tout est apparu dans une lumière d'une clarté peu commune. Elle brillait du plus bel éclat, parlant au cœur, comme si elle voulait m'englober dans sa majesté. J'étais rempli d'une indescriptible sensation de joie, d'unité et de sécurité béate."…/… Et plus loin il écrit :  Il s'est produit dans ma vie une corrélation aussi inattendue que peu fortuite entre mon activité professionnelle et le spectacle visionnaire de mon enfance. Je voulais accéder à la compréhension de la structure et de l'essence de la matière : c'est ainsi que je suis devenu chimiste. Comme, depuis ma plus tendre enfance, j'étais passionné par le monde des plantes, j'ai décidé de me vouer à la recherche sur les substances constitutives des plantes médicinales. C'est ainsi que j'ai découvert des substances psychoactives, capables de produire des hallucinations et, dans certaines circonstances, d'induire des états visionnaires comparables aux expériences spontanées que je viens de décrire. La plus importante de ces substances a été désignée sous l'appellation "LSD" ».

Hofmann(à droite) dans le labo Sandoz
Au printemps 1943, Albert Hofmann se remet donc à la synthèse du LSD25. Au cours de la phase finale de synthèse, alors qu'il procédait à la purification et à la cristallisation du LSD 25 sous forme de tartrate, il fut troublé dans son travail par des sensations inhabituelles. Voici la description de cet incident, extraite du rapport qu'il envoya au Pr Stoll, son supérieur : « Vendredi dernier 16 avril 1943 en plein après-midi, j'ai dû interrompre mon travail au laboratoire et me rendre à mon domicile. A mon domicile, je me suis allongé et j'ai sombré dans un état second, qui n'était pas désagréable, puisqu'il m'a donné à voir des images fantasmagoriques extrêmement inspirées. J'étais dans un état crépusculaire, les yeux fermés (je trouvais la lumière du jour désagréablement crue), j'étais sous le charme d'images d'une plasticité extraordinaire, sans cesse renouvelées, qui m'offraient un jeu de couleurs d'une richesse kaléidoscopique. Au bout de deux heures environ, cet état se dissipa  «Le caractère, aussi bien que le déroulement de ces visions étranges faisaient penser à un quelconque effet toxique exogène, et je présumai une corrélation avec la substance sur laquelle je venais de travailler, le tartrate de diéthylamide de l'acide lysergique. Je n'arrivais pas très bien à comprendre comment je pouvais avoir résorbé de cette substance, habitué que j'étais à travailler dans des conditions d'hygiène draconiennes, compte tenu de la toxicité avérée des substances de l'ergot. Mais peut-être une infime partie de la solution de LSD était-elle quand même tombée sur mes doigts lors de la cristallisation : ma peau l'aurait alors partiellement résorbée. Si vraiment c'était cette matière qui avait provoqué l'incident que j'ai décrit, il devait nécessairement s'agir d'une substance active à dose infinitésimale. Pour en avoir le cœur net, je décidai de procéder à une auto-expérimentation. Comme je voulais être prudent, je commençai la série d'épreuves que j'avais prévues par la plus petite quantité mesurable, soit 0,25 mg (250 micro-grammes) de tartrate de diéthylamide de l'acide lysergique ».
Résultat et trip report du trip du 19 avril (Bicycle day, extrait) : « des vertiges, des perturbations visuelles, les visages des gens présents semblaient grimacer et présentaient des couleurs très vives ; de fortes perturbations motrices alternant avec des moments de paralysie ; ma tête, mon corps et mes membres paraissaient tous extrêmement lourds, comme remplis de métal ; j’avais des crampes aux mollets, les mains froides et sans sensations ; un goût métallique sur la langue ; la gorge sèche et serrée ; un sentiment de suffocation ; une impression de confusion alternant avec une perception claire de la situation, dans laquelle je me sentais comme à l’extérieur de mon corps, dans la position d’un observateur neutre, alors que je criais ou marmonnais indistinctement, comme à moitié fou. »". 

Convaincu par son expérience (celle du bicycle day) Albert Hofmann fut de suite persuadé que le LSD25 allait ouvrir un champ d’expérimentation psychique et thérapeutique extraordinaire. Surprenant mais authentique, Hofmann invite le professeur Rothlin, directeur du département de pharmacologie des laboratoires Sandoz, à répéter lui-même l’expérience avec ses collaborateurs qui ingérèrent 50 µg de LSD-25 et subirent des effets qui restaient “tout à fait impressionnants et fantastiques”. Stoll et Hofmann déposent alors le brevet du LSD en 1943 en Suisse - et en 1948 aux États-Unis.

Dès 1947 le Professeur Werner A. Stoll, fils d’Arthur Stoll (le boss de Albert Hofmann) publie dans le Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie sous le titre « Diéthylamide de l'acide lysergique, un phantasticum du groupe de l'ergo » les premiers résultats d'une expérimentation systématique du LSD chez l'homme, et en particulier sur ses patients.

La suite, est une autre histoire, celle du succès, puis du bannissement, puis de la renaissance d’une substance aussi puissante que magique. Au cours d'une interview de 2006, Hofmann a déclaré :"Mon intérêt pour la chimie a été inspiré par une question philosophique fondamentale : Le monde matériel est-il une manifestation du monde spirituel ? J'espérais trouver des réponses profondes et solides dans les lois solides de la chimie pour répondre à cette question, et appliquer ces réponses aux problématiques et aux questions ouvertes des dimensions spirituelles de la vie."

Ce qui me surprend dans cette histoire, c’est l’audace de Hofmann, son intuition, et même son acharnement pour à découvrir les propriétés psychoactives du LSD25. Pourquoi insiste t’il en 1935 pour reprendre des recherches sur l'ergot de seigle jusqu'en 1938 ?  Puis il remet ça en 1943 bien que le LSD25 ait été déclaré sans intérêt en 1938  ?  Comment se fait-il qu’après son expérience fortuite du 16 avril 1943, qui a été déstabilisante au point qu’il a dû quitter le labo, Hofmann décide de s'auto-administrer le 19 avril (bicycle-day) 250µg d'une substance inconnue aux effets inattendus ? 

Et suite à son auto-expérimentation du bicycle-day qu'il résume dans ses écrits par « à travers ma propre expérience au LSD, je n'en ai connu que les effets démoniaques » comment se fait qu'il propose à ses proches collaborateurs de faire la même expérience ? Dans un contexte professionnel, faire ingérer un produit inconnu pour tester ses effets psychotropes semble irresponsable et frise la lourde faute professionnelle. En pleine guerre mondiale (Europe 1943), quel pouvait être l’état d’esprit des chimistes de ce laboratoire ? Que recherchaient ils vraiment ?

Autant de questions que je me pose et que j’aimerais poser aux descendants de chimistes qui ont travaillé chez Sandoz à l’époque et avec Hofmann. Si vous en connaissez, si vous êtes de ceux là, Merci !

Have a good trip,

Ozias

Reférences :

https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2023/04/19/albert-hofmann-le-pere-du-lsd-disparait-a-102-ans-apres-avoir-ete-fete-au-world-psychedelic-forum-bale/

https://hal-univ-rennes1.archives-ouvertes.fr/hal-01163248/document

https://www.mycodb.fr/forum/viewtopic.php?f=7&t=17

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/petite-histoire-medicale-et-hallucinee-du-lsd_29129

https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2022/07/10/albert-hofmann-le-pere-du-lsd-disparait-a-102-ans-apres-avoir-ete-fete-au-world-psychedelic-forum-bale/

https://www.lequotidiendupharmacien.fr/le-mag/histoire-de-la-pharmacie/le-retable-dissenheim-au-secours-de-lergotisme

https://www.nationalgeographic.fr/histoire/le-feu-de-saint-antoine-le-mal-qui-accabla-la-france-au-10e-siecle

https://blog.nationalmuseum.ch/fr/2018/10/voyage-psychedelique/

https://www.davidjaybrown.com/albert-hofmann-ph-d/

Petits chimistes : https://archive.org/details/BookOfAcid/page/n3/mode/2up

mercredi 24 février 2016

Directives anticipées

Depuis 2005, la loi Leonetti donne la possibilité au patient d’écrire des directives anticipées concernant sa fin de vie. 
'Les directives anticipées sont des instructions écrites que donne par avance une personne majeure consciente, pour le cas où elle serait dans l’incapacité d’exprimer sa volonté'. Ces directives anticipées sont prises en considération pour toute décision concernant un patient hors d’état d’exprimer sa volonté, chez qui il est envisagé l’arrêt ou la limitation d’un traitement inutile ou disproportionné ou la prolongation artificielle de la vie.

Dans l’idéal, c’est vrai, on préférerait faire le geste soi-même. Mais justement, quand on est en fin de vie, on est souvent trop faible pour avoir ce geste. D’où l’importance de préciser tout cela avec les directives anticipées.
Ecrire, cela permet de simplifier les choses pour tout le monde : ça doit être tellement douloureux pour des proches de prendre une décision, et cela peut-être source de conflit. Pour leur éviter cela il semble donc plus facile de prendre soi-même cette décision. 
Vos directives anticipées permettront donc aux médecins de connaître vos souhaits sur la possibilité de limiter ou d’arrêter les traitements en cours. 

Sur le papier, tout parait clair, dans la pratique, c'est plus délicat:

Tout d'abord, savoir quelle forme donner au document de DA. Des 'formulaires' sont disponibles sur Internet. Même s'ils sont très clairs pour ce qui concerne l'état civil, il est bien difficile de remplir sereinement la partie concernant les 'Demandes' . En effet, comment se projeter quand on est en bonne santé ? Comment savoir quel sera, en situation de handicap ou de maladie, le seuil de ce qui est acceptable pour soi ?
Comment connaître son seuil de résistance à la souffrance ?. Plus prosaïquement, dans une formulation telle que  " que s’il n’existe aucun espoir de retour à une vie consciente et autonome, l’on me procure une mort rapide et douce.", comment se définit ce qui est une "vie consciente et autonome"  ou pas et comment répondre par OUI ou par NON ?.
Même une question aussi simple que celle de la personne de confiance est délicate: les directives sont valables 3 ans, c'est suffisamment court pour qu'elles soient obsolètes le jour-J mais suffisamment long pour que la confiance en la PC puisse s' éroder.
Finalement, après avoir mené à bien cette délicate dissertation, la première réaction de votre médecin traitant, auquel vous confierez vos directives, sera peut être de vous soigner pour dépression, et d'attendre un peu que ça aille mieux avant d’enregistrer finalement vos DA dans votre dossier médical.
Enfin, dans son exécution, cette demande implique que l'on transgresse l'interdit du contrat social et religieux « tu ne tueras pas » et que l'on impose à un professionnel de la médecine de faire une prescription ou un acte d'euthanasie (mort douce) à moins qu'il ne se désiste en évoquant la clause de conscience. Malgré l'attention qu'elle porte à vos D.A., l'équipe médicale se réserve le droit de ne pas les suivre (dans le cas d'une évolution du dossier médical par exemple). 
Bref, les directives anticipées, c'est bien et les respecter, c'est mieux ! http://incel-europe.com/2017/04/24/les-directives-anticipees-cest-bien-les-respecter-cest-mieux/

Finalement, selon une étude de l’Ined de fin 2012, seulement 2,5% des Français ont rédigé leurs directives anticipées. Souvent parce que tout simplement, ils n’en ont jamais entendu parler, une méconnaissance qu’on retrouve parfois de façon plus étonnante dans le personnel de santé. Mais il ne s’agit pas que de méconnaissance. Car rédiger ses directives anticipées, comme l’a réalisé Jean Leonetti lui-même, est loin d’être une démarche naturelle.
à vous de jouer maintenant

Glossaire pour la fin de vie, objet de la loi Léonetti 2016.

- Euthanasie
L'euthanasie, qui vient du grec +bonne mort+, désigne l'acte d'un médecin, voire d'un tiers, "qui provoque la mort d'un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie" (définition Larousse).
Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE, organisme chargé de réfléchir aux questions éthiques) définit l'euthanasie comme "un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable." (Rapport fin de vie d'octobre 2014).
Dans les pays ayant adopté une législation favorable à l'euthanasie, ce terme est réservé aux situations où il existe une demande formulée par la personne malade, ce qui permet de distinguer l'euthanasie de l'homicide qui est le fait de donner la mort à une personne qui ne l'a pas demandée.

- Euthanasie passive et indirecte
L'euthanasie indirecte peut se définir comme le fait de donner à une personne des substances pour réduire sa souffrance avec comme effets secondaires possibles la mort.
L'euthanasie passive est l'interruption volontaire de traitements médicamenteux ou d'appareils qui maintiennent en vie une personne ou encore de l'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation artificielles.

- Suicide assisté
Le suicide assisté, le suicide avec assistance médicale ou encore l'assistance au suicide, "diffèrent" en principe de l'euthanasie car dans ce cas "l'acte létal est accompli par la personne malade elle-même", selon le CCNE.

- Soins palliatifs
"Les soins palliatifs sont tous les traitements médicamenteux et non-médicamenteux donnés à une personne non-guérissable, dont la maladie évolue et s'aggrave, conduisant à des souffrances physiques et morales", selon Benoît Burucoa, chef de service de l'unité de soins palliatifs de l'Hôpital Saint-André à Bordeaux.
Les objectifs de la médecine palliative sont le soulagement du corps, l'apaisement moral, la personnalisation de l'accompagnement du malade et des proches, pas forcément dans l'optique d'un décès proche.

- Sédation profonde et continue
L'administration de sédatifs (substances anti-douleurs et apaisantes) de manière "profonde et continue", autorisée par la proposition de loi des députés Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS) votée mercredi, permet à des malades graves en phase terminale, dont la souffrance est insupportable, d'être endormis jusqu'à leur mort.
Le droit à une "sédation profonde et continue", c'est "le droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir", selon la formule de Jean Leonetti.






Quelques héros de la fin de vie :

1998 Ramón Sampedro, écrivain tétraplégique, figure historique du combat pour l’euthanasie en Espagne, se donne la mort avec l’aide et la responsabilité « partagée » de onze de ses amis.
2002 Vincent Humbert, tétraplégique, demande à Jacques Chirac un « droit de mourir ».
2008 Chantal Sébire, mourant d’un esthésioneuroblastome, demande le droit à mourir dans la dignité par suicide assisté chez elle, et non en Suisse ou en Belgique.
2009 Eluana Englaro, en état végétatif irréversible, décède après six jours d’arrêt de son alimentation, à la demande de son père, aux termes d’un combat ayant déchiré l’Italie.
2014 Nicolas Bonnemaison est acquitté de l’empoisonnement de sept patients en fin de vie mais reste radié de l’Ordre des médecins.
2015 Vincent Lambert est autorisé à mourir par la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH) mais reste à l’heure actuelle otage d’un enjeu dont il n’a pas conscience

http://www.chu-lyon.fr/web/attached_file/Guide%20conseil-pro_10-2012.pdf?ComponentId=kmelia16&attachmentId=20452
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Fin-de-vie-les-directives-anticipees-font-debat-2015-03-11-1290022

Exemple : https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/atteint-de-la-maladie-de-charcot-francois-56-ans-voudrait-mourir-dans-la-dignite-1478004973
Assistance au suicide : http://www.admd.net/international/la-suisse.html

Mes directives à moi:
Si je ne peux opérer par moi même, je souhaite un dernier 'voyage en Suisse' pour partir sans souffrance inutile, en gardant la main jusqu'au bout et partir quand je le veux. 
Une fois mort, je le souhaite reposer chez moi, dans ma chambre, plutôt que dans un funérarium ou un hôpital. Pas de prélèvement d'organe.
Merci de publier mon avis de décès ainsi que l'information de mes obsèques sur mon compte Facebook. 

Ensuite, crémation de ma pomme, car je crains le froid et la solitude surtout si elle est éternelle.  Sur mon urne, merci faire graver 'Je suis là', même si je souhaite devenir cendres pour échapper à la prison du cercueil et me balader poussière au vent.
Je ne veux pas que mes survivants puissent imaginer mon corps se décomposer, tout seul au fond d'une boîte. Je trouve la crémation plus chaleureuse en quelque sorte. Bref, pas envie de faire de vieux os au cimetière. Par contre, sur le lieu où l'on pourra officiellement se recueillir (Grenoble ou Ardèche), je souhaite que soit gravée et posée cette plaque : 


mercredi 18 janvier 2017

Politique

Koch brothers . Milliardaires libertariens.
Le forum économique mondial (WEF),  réunit actuellement à Davos en Suisse des dirigeants d’entreprise, des responsables politiques ainsi que des intellectuels et des journalistes, afin de débattre des problèmes les plus urgents de la planète.
A cette occasion OXFAM, une ONG très 'people' (Scarlet Johansson a longtemps été son ambassadrice) et sur laquelle je n'ai pas vu grand chose concernant le financement, fait paraître un rapport qui dénonce la concentration indécente des richesses dans le monde actuel. "Une économie au service des 99%"

Le constat de départ, c'est que depuis 2015 les 1% les plus riches détiennent autant de richesses que tout le reste de la planète. (source crédit Suisse "Global wealth databook 2016"), 'ce qui rend la stabilité mondiale illusoire" (Barak Obama ONU septembre 2016). Rien de subversif ici. Face à ces inégalités qui menacent de disloquer nos sociétés, pour OXFAM le défi consiste "à proposer une alternative positive qui n'exacerbe pas les divisions". "Une économie au service des 99%" analyse donc comment les grandes entreprises et les plus fortunés alimentent la crise des inégalités et ce qui peut être fait pour changer la donne (p3).

Les grandes entreprises jouent un rôle capital dans la création de ces inégalités car en vue de maximiser les rendements de leurs propriétaires et actionnaires fortunés elles exploitent au maximum leurs travailleurs et fournisseurs au nom de "l'intérêt du consommateur" et échappent à l'impôt par le biais de "l' ingénierie fiscale". 
Ainsi, dans les années 80, les producteurs de cacao recevaient 18% de la valeur d'une barre chocolatée, contre 6% aujourd'hui. 
Parallèlement, les taux d'imposition sur les sociétés sont en baisse partout dans le monde. Apple aurait été imposé à seulement 0,005% sur les bénéfices réalisés en Europe en 2014. Pour les pays en développement, l'évasion fiscale entraîne chaque année un manque à gagner estimé à 100 milliards de dollars.

L'objectif de ces entreprises, et de la plupart des entreprises industrielles et commerciales est de maximiser leurs bénéfices afin d'optimiser la rentabilité de leurs actionnaires. Ainsi Royaume Uni, la part des bénéfices revenant aux actionnaires qui était de 10% dans les années 70 est aujourd'hui de 70%. Cette hausse des dividendes profite aux plus riches puisque la majorité des actionnaires font partie de la frange la plus aisée de la société.

Une bonne partie des plus fortunés utilise également son pouvoir, son influence pour accaparer les politiques et s'assurer que les règles adoptées lui sont favorables. Certains utilisent leur fortune pour acheter les décisions politiques qui les arrangent. Les dirigeants politiques rivalisent donc de zèle pour attirer les plus fortunés en bradant la souveraineté des états qu'ils gouvernent. L'exemple de Jean-Claude Junker nommé champion de la lutte contre l'évasion fiscale en Europe alors même qu'il est acteur des LuxLeaks fait penser au braconnier devenu garde chasse. L'inculpation d'Antoine Deltour, le lanceur d'alerte des Luxleaks rajoute une couche d'indécence à l'iniquité du système.

La nocivité du néolibéralisme est maintenant dénoncée par le FMI lui même qui déclare que: "Au lieu de générer de la croissance, certaines politiques néolibérales ont creusé les inégalités au détriment d'une croissance/développement durable".

Alors, cessons d'écouter, cessons de croire le catéchisme néolibéral qu'on nous rabâche depuis 40 ans et selon lequel le marché a toujours raison et le rôle des états doit être réduit le plus possible, que la richesse témoigne d'une réussite, que les inégalités sont justes et naturelles, que la croissance du PIB est un objectif sacré et que les ressources de la terre sont illimitées.
L'économie et la création de richesse à laquelle nous participons tous doit profiter au 99% de la population et plus seulement aux 1% les plus riches.
99% de tous les pays, unissons nous !

vendredi 4 novembre 2022

Carl Gustav Jung

Jung et Freud (dessin IA)
Carl Gustav Jung (1875-1961) est un médecin suisse, pionnier de la psychanalyse, explorateur de la vie symbolique et spirituelle et de l'inconscient collectif. Ses travaux sont à l'origine de la pensée New-age et du développement personnel.

Jeune psychiatre de 25 ans, Jung découvre Freud en 1900 (p49). Freud et Jung échangent des centaines de lettres et s'analysent mutuellement. Pour Jung, le plus grand exploit de Freud est "d'avoir pris au sérieux ses malades et névrosés .../... et d'avoir prouvé empiriquement l'existence d'une psyché inconsciente".  Mais Si l'inconscient est pour Freud une cave où reposent nos désirs sexuels refoulés, Pour Jung c'est [aussi] un grenier où filtre la lumière de nos aspirations vers le sacré.  Malheureusement, Freud est persuadé que Jung veut prendre sa place à la tête du mouvement psychanalytique (p53). En 1914 Jung démissionne de l'Association de Psychanalyse, ce qui acte leur rupture.  Analyste réputé, Carl Jung fut proche de la famille Rockefeller qui le finança généreusement tout au long de sa vie.

Pour Jung, être conscient c'est "percevoir et reconnaitre le monde extérieur ainsi que soi même dans ses relations avec le monde extérieur", et le "moi" est une sorte d'agrégat complexe de sensations, de perceptions, d'affects, de pensées, de souvenirs. Jung distingue « quatre fonctions psychiques » : le type Pensée, le type Intuition, le type Sentiment et le type Sensation, que chacun possède à des degrés différents. L'originalité de Jung est d'avoir introduit au-delà de l'inconscient individuel (résultant de l'histoire personnelle), étudié par Freud, l'inconscient collectif, qui représente la stratification des expériences millénaires de l'humanité : « Si l'inconscient pouvait être personnifié, il prendrait les traits d'un être humain collectif vivant en marge de la spécification des sexes, de la jeunesse et de la vieillesse, de la naissance et de la mort, fort d'une expérience humaine à peu près immortelle d'un ou deux millions d'années. ». Pour Gustav Jung, l'être humain ne naît pas 'tabula rasa', mais inconscient. "Nous désignons aussi ce dernier sous le nom d'inconscient collectif, précisément parce qu'il est détaché des sphères personnelles, existant en marge de celles-ci, qu'il possède un caractère tout à fait général et ses contenus peuvent se rencontrer chez tous les êtres, ce qui n'est pas le cas pour les matériaux individuels".(CG Jung, psychologie de l'inconscient p120 Livre de Poche.) . Les archétypes, découverts par Jung, sont les créations mentales des anciens qui hantent et structurent l'esprit des vivants. "[l'archétype] Je sais seulement qu'il vit, et que ce n'est pas moi qui l'ai fait". Jung différencie l'archétype -invisible- et son phénomène dans le monde intérieur , l'image archétypique -le visible. Les représentations sont "visibles" pour le sujet qui se les représente.  Le passage de l'invisible au visible, de l'archétype à l'image archétypique, lors de l'observation intérieure est une transformation :" De par sa nature profonde, écrit Jung, l'archétype est un contenu inconscient qui subit une modification en accédant à la conscience et en étant perçu par elle".

Dans les années 20 Jung entreprend toute une série de voyages, il découvre des hommes peu touchés par la civilisation, vivant entre deux mondes (Inde, Afrique du Nord, tribus du Kenya, Indiens en Arizona, au nouveau Mexique). Suite à ses voyages, et à ses échanges avec un chef indien, Jung réalise que le sens de la vie humaine est de participer à la perfection de la création (p107).  "Bien que nous ayons notre vie personnelle, nous sommes les représentants, les victimes et les promoteurs d'un esprit collectif dont l'existence se compte en siècles". 

Dessin C G Jung
Jung se passionne aussi pour les philosophies orientales qui lui permettent d'aborder la psyché de manière plus globale. Puis, il se lance dans l'exploration de l'alchimie médiévale européenne. Les différentes opérations alchimiques sur la matière -l'œuvre au noir, au blanc et au rouge- lui apparaissent comme des phénomènes successifs de transmutation de l'esprit pour parvenir à l'union des contraires - le masculin et le féminin, l'esprit et la matière, le conscient et l'inconscient- que les alchimistes nomment "noces alchimiques" et Jung "réalisation de soi" (p118) . L'alchimie par sa tentative de transmutation de la matière et de l'esprit lui inspire le processus d'individuation par lequel l'individu se réalise en intégrant la totalité de sa psyché (p121). .

Pendant la période nazi Jung navigue à vue, et se compromet en 1934 avec un texte antisémite inspiré par sa rivalité avec Freud, puis se réfugie en Suisse où il est sollicité en tant que psychanalyste espion par les ennemis du Reich de différents bords.(p142).

Début 1944, terrassé par un infarctus, Jung fait une expérience de mort imminente (EMI) qui le confronte aux questions essentielles "Pourquoi ma vie s'est elle déroulée ainsi ? Qu'ai je fait de mes talents et de mes fragilités ? Qu'en résultera t'il ?" et qui, ayant fait l'expérience de la béatitude et du sentiment d'éternité, le transforme durablement. Jung reformule alors ses procédés thérapeutiques à l'aune de ses propres expérimentations. Sa thérapie vise à l'accroissement psychique et spirituel de l'individu (individuation) et par là même à l'élévation du niveau de conscience de l'humanité. En  ce sens, Jung est le père du développement personnel (p159). Les hypothèses mystiques de Jung ont aussi conduit au développement du courant « New Age » qui en reprend les concepts d'inconscient collectif et d'âme psychique. Pour Jung, si la première partie de notre vie a pour but de produire et de se reproduire, la seconde doit nous mener à élever notre niveau de conscience au travers du processus de l'individuation. Jung reste pourtant agnostique (en termes de croyances) et très prudent au sujet de la survie de l'âme après la mort. Il distingue soigneusement les évènements des connaissances et souligne le risque qu'il y a à confondre une expérience intérieure et son interprétation métaphysique (p180).

Le dualisme de Jung 

Pour Jung le moi se construit en devenant "conscient d'une polarité d'opposés qui lui est 'sur-ordonnée'". Cette tension est génératrice d'une formidable énergie psychique qui permet de passer à l'action. L'essence de la conscience est la différenciation. (p288). Comme en alchimie, "l'union des opposés est à la fois la force qui provoque le processus d'individuation et son but". Pour Jung "[c'est] dans la vie terrestre où se heurtent les contraires que le niveau général de conscience peut s'élever. Cela semble être la tâche métaphysique de l'homme". Si les conflits de contraires ne sont jamais totalement résolus, ils peuvent passer un jour à l'arrière plan. La solution qui naît de la coopération entre conscient et inconscient est alors ressentie comme un moment de grâce .L'acceptation succède au combat. Hors, seul l'amour peut permettre cette réconciliation. Sur l'amour Jung écrit "Il y va ici de ce qu'il y a de plus grand et de plus petit, de plus éloigné et de plus proche, de plus élevé et de plus bas, et jamais un des termes ne peut être prononcé sans celui qui est son opposé" car l'amour pour Jung est le grand mystère qui inclut tout (p291).

Ozias

Cet article est un résumé fait à base d'extraits du livre  "Jung , un voyage vers soi" de Frédéric Lenoir (Albin Michel 2021).

A lire aussi:

L'arrière-monde ou l'inconscient neutre. Bruno Traversi, Alexandre Mercier Editions Cénacle de France

https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Carl-Gustav-Jung-page-2.html

https://www.cgjung.net/espace/ressources/frederic-lenoir-jung/

samedi 5 juin 2021

Avancer en âge et consommer des drogues

Le vieillissement entraîne de nombreux changements et implique la mise en place de processus de réadaptation. Le processus de séparation-individuation, largement poursuivi à l’adolescence avec l’acquisition d’une identité stable et d’un rôle social, n’est jamais achevé. Il s’agit d’un processus dynamique, qui se réactive notamment chez le sujet âgé. En effet, le vieillissement amène des pertes progressives d’énergie, de capacités, de rôles et de relations. 
La fin de la vie active est aussi le temps de la fin des conventions sociales et des responsabilités.

Ces changements peuvent altérer l’image de soi et l’image que les autres renvoient. Cette image est directement liée à la relation que les sujets âgés entretiennent avec autrui et au rôle endossé par chacun (rôle de parent, d’ami, etc.).
Or toute personne cherche à maintenir son rôle et la perte de celui-ci inhérente au vieillissement entraîne nécessairement un état de frustration, voire de dépression. Dans de nombreuses situations, l
es addictions peuvent combler un vide social ou permettre un court-circuitage d’une pensée trop douloureuse.

A l’évidence, les problèmes de drogues ne concernent plus aujourd’hui uniquement les 
« jeunes ». Ce phénomène prend de l'ampleur car les plus de 65ans, dont beaucoup ont découvert les drogues au cours des années 70's, sont démographiquement de plus en plus nombreux : En 2020, 20% des Français ont dépassé l'âge de 65ans. 
Les personnes âgées sont des usagers fréquents et réguliers de drogues délivrées sur ordonnance ou en vente libre. Les plus de 65 ans consomment environ un tiers de toutes les drogues prescrites sur ordonnance, dont souvent des benzodiazépines et des analgésiques opiacés. Les femmes âgées sont plus susceptibles que les hommes de se voir prescrire des médicaments psychoactifs et d’en abuser; elles ont également un plus fort risque que les autres classes d’âge d’abuser de médicaments délivrés sur ordonnance. 

Les usagers réguliers de drogues festives vieillissent eux aussi et peuvent s’exposer à davantage de complications avec l’âge. Les sujets plus âgés métabolisent les drogues plus lentement et, avec l’âge, le cerveau peut être plus sensible à leurs effets. De nombreuses substances stimulantes peuvent induire des changements dans le fonctionnement des récepteurs cérébraux, posant la question de leurs effets à long terme. Ces incidents peuvent interagir avec d’autres processus pour accélérer leur progression ou accroître la gravité des déficiences neurocognitives qui accompagnent le vieillissement. 
Les problèmes de comorbidité devraient aussi être davantage pris en considération dans le traitement des patients âgés. Les usagers de dogues âgés peuvent souffrir, par exemple, de pathologies chroniques, notamment au niveau du foie à la suite d’une infection chronique par le virus de l’hépatite C, ou de maladies liées au virus d’immunodéficience humaine (VIH) (maladies opportunistes).  Enfin, beaucoup d'usagers séniors sont sous traitement médical chronique suite à des problèmes de d'hypertension, cardio-vasculaires, diabète ou autres. Pour eux se pose non seulement la question des risques liés à leur condition mais aussi celle des interactions entre leurs produits et leurs traitements.

Face aux notions d’abus ou de dépendance, cette population âgée se distingue de la population générale par différentes particularités : clinique, applicabilité des critères diagnostiques, dépistage, etc. 
Il arrive aussi que des adultes âgés refusent d’admettre leur problème en raison de la stigmatisation qu’il entraîne dans leur classe d’âge. Les problèmes dans cette classe d’âge sont donc particulièrement susceptibles de passer inaperçus. 

Le vieillissement d’une partie de la population des usagers de drogues va soulever de plus en plus de nouvelles questions en termes de santé publique. Compte tenu de la difficulté à trouver des médecins formés et ouverts à ces sujets, une démarche d'autosupport des usagers concernés est nécessaire pour répondre dans un premier temps aux questions de notre première vague de séniors consommateurs de produits. Des traitements appropriés et efficaces doivent être adaptés aux besoins spécifiques des consommateurs de substances âgés, en dépit du peu de connaissances actuellement disponibles sur ce groupe de patients. Cela pourrait impliquer de modifier les formes de traitement actuelles, ou d’en développer de nouvelles, plus attentives aux conditions de comorbidité auxquelles sont exposés les sujets âgés.

D'après Observatoire Européen des Drogues et de la Toxicomanie (2018), Sujets âgés et substances psychoactives : état des connaissances C. Marquette

Le plus récent : une étude belge par Eurotox

Voici sur ce sujet un article de Pascal MENECIER, médecin addictologue, docteur en Psychologie Centre Hospitalier de Mâcon & Université Lumière Lyon 2, laboratoire Diphe
pamenecier@ch-macon.fr. Addictaide mai 2021.
https://www.addictaide.fr/usage-de-drogues-chez-les-personnes-agees-une-epidemie-cachee

Usage de drogues chez les personnes âgées : une épidémie cachée !

Le rapport 2020 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) émanant des Nations Unies, publié fin mars 2021, comporte un chapitre consacré aux personnes âgées. C’est une première internationale que d’envisager les ainés comme priorité de santé publique en addictologie, même si certains pays peuvent apparaitre pionniers par leurs initiatives (Québec, Suisse, Royaume-Uni…).

Dans son introduction générale, le président de cette instance (Cornelis P. de Joncheere), souligne que 2020 a été marquée par la pandémie de maladie à coronavirus, avec « une incidence disproportionnée sur le bien-être des personnes âgées, ce groupe de population est également touché par une épidémie cachée, liée à l’usage de drogues ».

Le rapport souligne que l’accroissement des durées de vie « s’accompagne d’une vulnérabilité accrue à la consommation des drogues et à la dépendance à la drogue », observant une augmentation du nombre des personnes âgées recevant un traitement pour des troubles liés à cet usage. Au regard de cela « L’OICS recommande de faire mieux connaitre cette épidémie cachée et de faire en sorte que ce groupe de population souvent négligé, ait accès aux services nécessaires à sa santé et son bien être » (Nations Unies, 2021).

Contexte épidémiologique
Les personnes âgées, envisagées après 65 ans dans le rapport, représentaient 6 % de la population mondiale en 1990, pour atteindre 9 % en 2019 et devraient tendre vers 16 % en 2050 selon les Nations Unies. La définition de personnes âgées parmi les usagers de drogues est beaucoup plus variable, pouvant débuter dès 35, 40 ou 50 ans… (Nations Unies, 2021).

« Les personnes âgées sont particulièrement susceptibles de faire usage de drogues et d’en être dépendantes » (Nations Unies, 2021), reprenant diverses formulations de la littérature spécialisée, ce rapport souligne la vulnérabilité aux addictions des ainés, alors que la vieillesse n’en prémunit d’aucunes, reconnaissant que « le sujet âgé devient un candidat naturel aux addictions » (De Brucq, 2008).

Le nombre de personnes âgées recevant des traitements pour des troubles liés à l’usage de substance a augmenté ces dernières années, surtout en pays à revenu élevé, ce qui a souvent été mis en lien avec le vieillissement des générations du baby-boom. Les ainés mésusant de substances avaient été considérés comme devant doubler entre 2000 et 2020 aux États-Unis (Han, 2009).

Devant le peu de données épidémiologiques entre gérontologie et addictologie, alors que beaucoup d’études s’arrêtent à 65 ans, ce texte formule l’hypothèse d’une tendance à négliger ces personnes, reflétant « les attitudes qui prévalent à l’égard de ces personnes dans la société », citant les notions d’âgisme et de stigmatisation (source d’exclusion sociale) des personnes âgées usant (ou mésusant) de drogues (Nations Unies, 2021). Le rapport reprend alors le terme d’épidémie silencieuse, pour une épidémie nationale (aux États-Unis) (Knauer, 2003) mais silencieuse (Sorocco, 2006) initialement associée aux développements des troubles de l’usage d’alcool chez les ainés.

Substances considérées
Le rapport de l’OICS envisage sous la notion de drogues les substances illicites, dont le cannabis et les médicaments (analgésiques ou tranquillisants, entre usages non médical et mésusage) (Nations Unies, 2021). Alcool et tabac n’apparaissent pas dans l’acception retenue de la notion de drogue.

La prévalence annuelle d’usage de cannabis apparait la plus en essor parmi les 55-64 ans, avec ensuite une évolution proche constatée pour la cocaïne. Aux États-Unis chez les plus de 65 ans, entre 2012 et 2019, la prévalence d’usage de cannabis au cours de l’année écoulée a plus que quadruplé (de 1,2 % à 5,1 %), alors que l’usage non médical ou le mésusage d’analgésique a doublé (de 0,8 % à 1,7 %) … Les autres substances semblent moins avoir changé de place (cocaïne, hallucinogènes…) malgré l’absence de présentation d’analyse statistique et l’absence de considération de l’alcool ni du tabac… (Menecier, 2020).

Si la question des produits illicites (variablement envisagée selon les Etats, notamment à propos du cannabis), semble commencer à apparaitre plus précisément que ce qui a été redouté depuis longtemps sans objectivation si ce n’est pour le cannabis en milieu urbain au Royaume-Uni (Fahmy, 2012), c’est aussi à propos des médicaments que ce rapport veut alerter. « Aux États-Unis, les personnes de 65 ans et plus représentent plus de 10 % de la population totale ; or, elles sont à l’origine de 30 % des prescriptions médicales ».

Addictions du sujet âgé
Diverses spécificités des conduites addictives de sujets âgés sont ensuite passées en revue, autour des âges de début du mésusage, des liens avec les polypathologies et pathologies chroniques dont la fréquence s’accroit avec l’âge, ou la gestion complexe des douleurs chroniques chez les ainés.

Les conséquences de l’usage de drogues considérées (avant même de parler d’addiction) sur la santé de ces personnes sont listées : risque accru de décès par maladie, surdose et suicide, mortalité plus précoce, apparition prématurée de maladies chroniques, risque d’infections virales (VHC, VIH), exacerbation de maladies associées à l’âge, risque majoré de chutes fractures, blessures et accidents, altération des capacités à effectuer les actes de la vie quotidienne, risque de surdose/surdosage avec malaise ou confusion, incidence accrue de troubles en santé mentale…

Les conséquences sociales ne sont pas oubliées : stigmatisation source de sentiment de honte limitant l’accès aux soins, incidence augmentée de problèmes financiers…, isolement social (solitude et exclusion).

Recommandations de l’OICS
Au regard de ces constats, explicites et diffusés pour une population rarement priorisée en addictologie, diverses recommandations apparaissent : élargir les tranches d’âge des études épidémiologiques, améliorer l’évaluation et la surveillance des médicaments soumis à prescription, lutter contre la stigmatisation, développer des soins dans une « offre de prise en charge intégrée, holistique et adaptée à l’âge ».Ce qui tend à éviter une surspécialisation des offres de soins pour favoriser la possibilité de « traiter conjointement plusieurs problèmes, par exemple de santé physique, de santé mentale et de dépendance à la drogue ».

La place du repérage est enfin abordée, recommandant « de procéder au dépistage et à l’évaluation de l’usage de drogues chez les personnes âgées » (Nations Unies, 2021).

En France
Si différents pays sont cités dans le rapport pour des initiatives d’évaluation, de développement d’offres de soins ou de programmes en santé publique, la France n’apparait pas…

Pour autant le sujet n’est pas absent des préoccupations, apparaissant dans la littérature addictologique ou gérontologique, avec des recommandations autour de la consommation d’alcool chez les personnes âgées en 2014 issue de sociétés savantes (SFA-SFGG 2014). En 2021 débute un groupe de travail sous l’égide de l’HAS sur la « Prévention des conduites addictives et réduction des risques et des dommages en établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS)[1] », ciblant pour partie les personnes âgées.

Cette préoccupation mériterait (ensuite et dans un autre cadre) de considérer la population âgée générale du domicile, largement majoritaire, en développant une action (et un programme national) de santé publique ouvert à toutes les substances psychoactives et toutes les formes de vieillissement et de vieillesse.

« L’addiction n’est pas plus rose quand on a des cheveux blancs » (Dubreuil, 2011) et « il n’est jamais trop tard » pour intervenir (AA, 2002), sont deux références pouvant guider un tel projet.

Pascal MENECIER,
pamenecier@ch-macon.fr. Addictaide mai 2021.



Le cas des personnes sous TSO (Traitement de substitution aux Opiacés)

La France est un pays marqué par la consommation des opiacés, addiction qui une fois en place, conduit souvent à une longue « carrière » de consommateur. L’introduction des traitements de substitution n’a fait que renforcer ce processus de vieillissement en fidélisant les usagers de drogues auprès du système de soins et en contribuant à diminuer les décès par surdose. Compte tenu de l’efficacité grandissante des programmes de substitution par la méthadone et autres conduisant au maintien des patients sous traitement et à la réduction des décès par surdose, le nombre de ces sujets plus âgés va augmenter peu à peu. En Europe, le pourcentage de patients répertoriés âgés de 40 ans et plus, traités pour dépendance aux opiacés, a plus que doublé entre 2002 et 2005 (passant de 8,6 à 17,6 %).

Les médecins généralistes qui suivaient les anciens patients substitués depuis deux décennies partent petit à petit à la retraite, tout comme les pharmaciens qui les approvisionnaient. Les jeunes médecins qui les remplacent manquent souvent d'expérience et de formation aux sujet des TSO. De même, les pharmacies qui acceptent de délivrer des traitements de substitution (TSO) ne sont pas légion.  Les jeunes pharmaciens nouvellement installés refusent de prendre en charge ces prescriptions, ignorant même souvent de quoi il est question. Il est temps que les autorités sanitaires se mettent à penser à une succession du personnel soignant susceptible ou disponible pour prescrire et délivrer leurs traitements aux vieux rescapés de l'héroïne des années 80. (Olivier Doubre ASUD).

Concernant les soins dentaires, une attention particulière doit être apportée aux personnes en traitement de substitution aux opiacés quand elles sont amenées à diminuer, voire à arrêter, leurs traitements. La réduction des opiacés peut laisser émerger des douleurs latentes (pulpites par exemple)

Une étude sur la fomation des médecins généralistes aux opiacés (2017) https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01932049/document

Age et drogue : quels risques ?

Cannabis

https://www.santelog.com/actualites/drogues-lusage-du-cannabis-explose-chez-les-seniors

Cocaïne

https://www.santelog.com/actualites/cocaine-elle-accelere-considerablement-le-vieillissement-du-cerveau

Benzodiazépines

http://www.santecom.qc.ca/BibliothequeVirtuelle/MSSS/2550358899.pdf


Articles à propos de l'usage de drogue chez les personnes âgées :

https://www.incb.org/documents/Publications/AnnualReports/AR2020/Annual_Report_Chapters/04_AR_2020_Chapter_I.pdf

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22491805/

https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2010-3-page-161.htm

https://www.emcdda.europa.eu/attachements.cfm/att_50566_FR_TDAD08001FRC_web.pdf

https://www.todaysgeriatricmedicine.com/archive/071708p20.shtml

https://www.socialworktoday.com/archive/012312p8.shtml


Psychédéliques et vieillissement

https://psychedelic.support/resources/older-adults-and-psychedelics/
https://www.binasss.sa.cr/mar22/23.pdf

SUJETS ÂGÉS ET SUBSTANCES PSYCHOACTIVES : ÉTAT DES CONNAISSANCES C. Marquette, Morgane Guillou-Landreat, Marie Grall-Bronnec, O. Vermeulen, Jean-Luc Vénisse De Boeck Supérieur | « Psychotropes » 

lundi 8 novembre 2021

Toxicophobie


La toxicophobie se définit comme la stigmatisation juridique et morale des usagers et des usages de drogues. 

Il existe tout un corpus de poncifs au sujet des usagers de drogues et des toxicomanes validé médiatiquement autant qu'institutionnellement: les 'toxicos' seraient tou-te-s des menteurs/euses, des manipulateurs/trices, des pervers-es, des psychopathes, des gens indignes de confiance. Le but est d'inspirer de la honte aux usagers ainsi que la honte des usagers afin de dissuader ceux qui pourraient être tentés de consommer.
 
Aux yeux de la loi, comme de la majeure partie de l'opinion, le consommateur de drogues ne peut être perçu que comme comme un délinquant ou un malade. C'est l'image que répètent tous les films où des junkies en manque vendent père et mère pour une dose, où les fumeurs de crack assassinent, les fumeurs d'herbe tournent mal, et les amateurs de LSD finissent fous ou défénestrés. Au quotidien les journaux de province n'hésitent pas à faire un couplet sur l'automobiliste qui 'conduisait sous l'emprise de stupéfiants'  3 jours après avoir fumé un joint plutôt que sur celui qui s'est fait arrêter avec 2g d'alcool dans le sang.  Notons d'ailleurs que l'appellation de 'toxicomane' ne concerne pas les utilisateurs des psychotropes légaux nocifs et addictifs, que sont l'alcool et le tabac.

Le premier effet de la toxicophobie est d’invisibiliser les usagers de stupéfiants.
La majorité des usagers de stups et des toxicos est invisible. Elle ne se dit pas, ne se montre pas, car elle a très bien intégré la toxicophobie ambiante. Elle n’a le droit à aucune espèce de forme de réunion, de revendication, puisqu’elle n’a tout bonnement pas le droit d’exister.
La première conséquence est un manque de soins par peur des conséquences pénales en cas d'overdose, ou la peur du jugement du médecin traitant en cas de désagréments ou pour de simples informations. Le consommateur vit en permanence avec une épée de Damoclès au dessus de la tête et tant que la consommation sera criminalisée, son come-out est impossible à cause du risque d'être poursuivi, ou socialement ostracisé.  

Finalement, là où la vindicte populaire croit discriminer et mépriser la catégorie des usagers de drogues (ce qui est ouvertement légitimé), elle s’ acharne surtout -et comme d’ habitude- surtout sur la catégorie de ceux qui n’ont pas les moyens matériels de se cacher, de s’entretenir, et de s’intégrer.
Ceux qui sont 
sont le plus punis sont les plus démunis : les étrangers en situation irrégulière, les sans abris, les “accidentés” de la vie et les inadaptés du système.
Cette situation fait le bonheur de la politique du chiffre l’usage de stupéfiant constitue une proportion déraisonnable de l’activité policière tout en se tenant au service d'intérêts  politiques. La politisation des thèmes sécuritaires est une plaie. Ceux qui n'y connaissent rien imposent leur point de vue et leurs idées simples (taper toujours plus fort) alors que les solutions sont connues de tous les professionnels et par ceux qui sont concernés. 

La lutte contre la drogue et par extension contre les drogués, est en fait responsable de bien des méfaits qu’on attribue aux drogues elles-mêmes... L' esprit toxicophobe et prohibitionniste provoque bien plus de dégâts que les produits eux-mêmes.  Les politiques prohibitionnistes, qui consistent à rendre impossible la vie des usagers, ont fait énormément de tort. La criminalisation des consommateurs est une grossière erreur qui persiste en France. Il y a tellement d’exemples de la toxicité de ces politiques. Par exemple, aujourd’hui, quand on arrête une personne qui consomme de la drogue, elle peut en garder une trace dans son casier judiciaire pendant des années, cela l’empêche d’obtenir un job et de suivre le cours d'une vie normale. Combien de fugues d'adolescents, de séparations, d'overdoses évitables, de maladies ou de dépendances non traitées peut-on mettre au compte de la prohibition ?
Mieux vaudrait se tourner du côté de pays comme la Suisse, le Portugal, le Luxembourg qui adoptent une politique de réduction des risques pragmatique et bien plus efficace que le sacro saint "zéro tolérance".

Plus en amont, il y a énormément de biais dans la recherche scientifique. On fait dire aux données des choses que les données ne disent pas, notamment en ce qui touche aux comportements des consommateurs et aux problèmes physiologiques engendrés par les drogues. De nombreux scientifiques qui étudient les substances psychoactives exagèrent régulièrement l'impact négatif que la consommation de drogues récréatives a sur le cerveau. Ils taisent en revanche les effets bénéfiques que la consommation peut avoir (automédication, compensations). Ces scientifiques n'osent pas partager une telle perspective par peur des répercussions sur leur capacité à obtenir des subventions.
Dans son livre 'drugs for grown-up' (des drogues pour les adultes) Le neuro-scientifique Carl Hart dénonce les effets pervers de la criminalisation ainsi que les biais de la recherche sur l'usage des drogues.

La toxiphobie est si répandue, qu'on la retrouve retrouve au sein même des communautés d'utilisateurs. Par exemple, en milieux festifs, les injecteurs et les utilisateurs d'opiacés sont plutôt mal venus. On remarque le même phénomène quand il est question de la légalisation du cannabis, où de nombreux partisans distinguent 'drogues douces' et 'drogues dures'. Bref, la drogue des autres est toujours celle qui craint et qui fait peur.

Toute question liée à la drogue est actuellement traitée au travers d’un prisme idéologique qui diabolise sa consommation. Cela nous empêche de réfléchir correctement. Le simple fait de consommer des drogues ne constitue pas un risque ou un préjudice en soi. En réalité il n'existe que des produits et des personnes ayant chacun leurs caractéristiques et une histoire qu'il nous faut connaître avant de pouvoir juger.

Ozias


Un texte de référence:
http://sociologie-narrative.lcsp.univ-paris-diderot.fr/IMG/pdf/toxicophobie_mon_amour_anonyme_.pdf

Un blog sensible et documenté:


EGUS 2021

Cinquante ans de répression : bila, OFDT 

Médecine et réduction des risques