samedi 31 décembre 2016

artistes premiers


Visite à la Caverne du Pont D'Arc, l'artefact de la Grotte Chauvet.
Pour commencer, ce n'est pas au pont d'Arc, c'est à 300 m (à vol d'oiseau) mais par la route c'est plus long et du coup l'heure de la réservation était dépassée à notre arrivée. 
Architecture type caserne ou plutôt monastère. Visible de loin et  tout en béton nu, ce qui -étonnamment- ne semble pas avoir inspiré - jusqu'à ce jour- les grapheurs contemporains. 
A l'entrée de la grotte dégage une légère odeur d'espace public comme au Futuroscope. Là, le groupe de 36 visitants dont je fais partie poirote. Puis nous sommes appareillés d'un casque sur les oreilles, et d'un récepteur à la ceinture. Cet équipement est bien pratique pour empiler les groupes, ménager la voix des guides et éviter les 'bavardages' entre visiteurs.
Le pointeur laser hystérique du guide papillonne sur les détails des fresques qu'il commente. Tout au long de la visite, téléguidé par les commentaires du guide, je crains de me faire absorber par le groupe suivant qui tortille derrière moi sur le parcours de la 'grotte'.

Finalement je débranche le casque et je visite avec mes yeux.  Les peintures ont été faites dans les parties de la grotte qui n'ont jamais reçu la lumière. Plus on s'éloigne et plus les fresques sont complexes.
Ces dessins qui semblent effectués rapidement comme des tags sont en fait des mises en scène. Les grandes fresques sont dessinées sur des parois qui évoquent des sexes féminins. Sous le grand panneau des chevaux, par temps humide, l'eau sort en gargouillant d'un orifice de la grotte.
Panneau des chevaux. En bas à droite s'ouvre un orifice humide.
Sur une large stalactite pendant comme une large bite on peut voir un triangle (représentation de venus) qu'approche un faune moitié homme moitié bison.
Pendant calcaire avec dessin de triangle pubien, tête de bison et bras humain.
La grotte est un monde obscur, imaginaire et enchanté. Selon Jean Clottes la configuration géologique et l'atmosphère de la grotte permettent des hallucinations, autant visuelles qu'auditives, en raison notamment d'une présence importante de gaz carbonique. Dans cette grotte, il y a trois cents siècles, se serait donc jouée une expérience quasi-mystique chamanique. Pour ce chercheur, les cavités, en autorisant les visions, facilitaient le contact avec des esprits à travers les murs. "Ces hommes d'il y a trente millénaires sont exactement comme nous, sauf qu'ils n'ont pas du tout la même représentation du monde." 


En trente mille ans les paysages ont été bouleversés et nous avons muté. Notre monde et nos représentations diffèrent radicalement et pourtant ces dessins parlent une langue éteinte qui a été la notre.
Ces peintures nous plongent dans les abysses de notre passé.  Même si nous ne pourrons jamais comprendre la vision de ces artistes, il est évident que ces hommes maîtrisaient les représentations et  les techniques picturales qui leur permettaient de communiquer de façon plus durable que par le langage. 
Ces témoignages d'humanité préhistoriques sont rassurants car au travers du temps ils montrent ce caractère spécifique de notre espèce qui est de représenter et  communiquer. Ils ont aussi un côté  inquiétant car même si ces dessins sont aussi aboutis que les nôtres il faut admettre que leur sens est à jamais perdu. Transmission oui mais incommunicabilité aussi.
Art pariétal ou pas, "Tous les matins du monde sont à jamais perdus"

Ozias

A voir : "La grotte des rêves" de Werner Herzog 
Visite virtuelle : http://archeologie.culture.fr/chauvet/fr

Les spéléologues découvreurs en 1994
La caverne du Pont d'Arc synthétique (ouverte au public en 2015).

L'art pariétal est il psychédélique ?

vendredi 9 décembre 2016

la loi du marché

Le sofosbuvir (commercialisé sous la marque Sovaldi par la firme américaine pharmaceutique Gilead Sciences est une molécule, développée par Pharmasset comme médicament pour le traitement de l'hépatite C.
La firme californienne
 Gilead a racheté Pharmasset en 2011 pour 11 milliards de dollars tandis que les coûts de développement de la molécule de Sofosbuvir sont eux estimés à 62 millions de dollars. Excellente affaire donc pour Pharmasset, mais aussi pour Gilead qui a déjà vendu pour plus de 30 milliards de dollars de Sovaldi.

Aux USA, le prix d'un comprimé en 2014 a été fixé à 1000 dollars, ce qui fait revenir la cure de 12 semaines à 84 000 dollars. En France la cure de 12 semaines coûte 41 000 € par patient (novembre 2014). En 2014-2015 les dépenses publiques de traitement de l'hépatite C s’élevaient en France à 1.3 milliards d'Euros. 
Le prix de vente n'a donc rien à voir avec le coût de développement. Il est établi par négociation entre les états (rembourseurs) et le laboratoire pharmaceutique qui définissent un "prix socialement acceptable".
Dans ces négociations, les labos pharmaceutiques menacent les états de pénurie de livraison, de délocalisation des activités et jouent sur les remises accordées. Les états eux décident de l'autorisation de mise sur le marché, du déremboursement des médicaments, (le Royaume Uni refuse de rembourser si les prix sont trop élevés), et  disposent même de la possibilité de casser juridiquement le brevet pour ouvrir le marché aux génériques. Ainsi, en Algérie, les laboratoires Beker produisent un générique du Sofosbuvir commercialisé 30 fois moins cher mais ce générique est illégal en France où Sovaldi est protégé par brevet jusqu'en 2024.

Les prix exorbitants sont justifiés par la financiarisation de l'industrie pharmaceutique et non par les coûts de développement (environ 15% du Chiffre d'affaire) , ce que dit bien Eric Baseilhac de Gilead "L'innovation thérapeutique vient de la capitalisation. Pour pouvoir investir les firmes doivent donc avoir des niveaux de rentabilité élevés" En d'autre termes, les firmes pharmaceutiques prennent les systèmes de remboursement pour des vaches à lait pour le plus grand profit de leurs investisseurs. 
Le prix du médicament est le prix que le système social est capable de payer. Sachant qu'en France  l'enseignement post universitaire est financé à plus de 90% par les labos pharmaceutiques on sent que les lobbys sont omniprésents et que le système n'est pas prêt de changer sans une forte pression sur l'industrie pharmaceutique. 
Sources :
http://www.arte.tv/guide/fr/068399-011-A/vox-pop  (début à 7mn)

Autre cas intéressant, celui du Victrelis introduit en 2011 dans les tri-thérapies qui ont précédé l'arrivée du Sofosbuvir : http://www.liberation.fr/societe/2014/06/03/merck-attaque-pour-mauvais-traitement_1032966
http://hepatites.net/index.php?name=PNphpBB2&file=printview&t=22766&start=0