jeudi 6 juin 2013

Un trait c'est tout.

Génie du trait et peintures chinoises.
Chu Ta (1626-1705) est un peintre chinois  à la fois dépositaire d'une tradition millénaire et explorateur de la modernité. Violemment  hostile à l’académisme officiel, Chu Ta mena, plus d'un demi siècle durant une existence de quasi vagabond  dont les péripéties sont celles d'un véritable roman. Il en fut si marqué qu'il n'hésita pas à s'engager un temps dans les seules issues extrêmes qui convinssent à son esprit rebelle : le mutisme et la folie.../....Au fil d'une vie longue et tourmentée, où le geste de peindre se révéla pour lui une voie de salut, il sut à ce point épurer son art. - un art fondé sur la maîtrise des traits essentiels. 
La sobriété formelle de ses œuvres  est à la mesure de la fulgurance de l’effet produit.


Tige et fleur de lotus. Collection particulière, Chine populaire.
Le lotus, ami des eaux dormantes, plonge ses racines dans la fange.
Le bel élan de ses tiges porteuses de larges feuilles évidées comme des coupes,
la carnation lumineuse de ces fleurs
ne laissent rien soupçonner de cette origine innommable.

Souche de prunus en fleur. Musée de Nankin.
Invitation à résister - ou à ne pas désespérer, c'est tout comme.
Le prunus aux branches rugueuses produit dès la fin de l'hiver, sous la neige souvent,
des fleurs d'une délicatesse, d'une pureté proprement incroyables.

Le poisson solitaire. Collection Sumitomo, Japon.
Peut être est-ce chez les poissaons que Chu Ta est le mieux à son aise...
qu'il nous livre en tout cas de lui même les portraits les plus "ressemblants".
Peut on être plus loin de tout que ces habitants du Monde du silence peuplé d'être muets
- frères en cela du taciturne artiste.

Les deux poussins. Musée de Shangaï.
Pure étude de matière : le peintre a voulu approcher d'aussi près que possible l'essence du duveteux.
 La forme est réduite à l'essentiel, presque exclue.

"La règle se fonde sur l'unique trait de pinceau. L'unique trait de pinceau est l'origine de toute chose, la racine de tous les phénomènes". Shitao Peintre chinois XVIIIème siècle. 
Le trait en effet est l'élément de base de la calligraphie et de la peinture chinoises. Traditionnellement, le premier trait tracé est identifié au Souffle Originel. Le premier trait, essentiel, fonde l'oeuvre toute entière. L'encre de Chine est trop noire, le papier de riz trop buvard. Une calligraphie, un dessin à l'encre est réussi ou est bon à brûler.On ne peut pas reprendre. 

On imagine rarement  l'accumulation de raffinements que recèle le pinceau calligraphique chinois. En poil de loup, de mouton, de lièvre roux ou de chat sauvage, assemblés parfois en plusieurs couches superposées, son corps est retaillé au rasoir si finement que l'extrémité s'en termine par un poil unique. Au plus léger contact avec le papier, l'encre dont son corps arrondi est gogé, commence à s'écouler; que la pression augmente, la pointe s'ouvre, donnant passage à plus de liquide, et le trait s'élargit; qu'elle se relâche, l'élasticité du poil reformant la pointe, le tracé peut, d'un seul geste ou progressivement, se réduire à un filament. Texte de Cyrille JD Javary en préface de "L'unique trait de pinceau". 
Fabienne Verdier Albin Michel. 2002.




Crédits : Chu Ta. le génie du trait. François Cheng. Phébus. 1999.
L'unique trait de pinceau. Fabienne Verdier. Albin Michel. 2002.

2 commentaires:

  1. "La règle se fonde sur l'unique trait de pinceau. L'unique trait de pinceau est l'origine de toute chose, la racine de tous les phénomènes."
    est un twoosh !
    ( avec les guillemets )

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  2. Un peu comme monsieur Jourdain, Shitao faisait des twoosh sans le savoir :)

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