vendredi 28 décembre 2012

Esthétiques de l'interféron

 "le coton qui t'envahit est étrange, tu es là, sans l'être jamais tout à fait.Tu as perdu la globalité de ton être, éparpillé, façon puzzle...le traitement c'est Raoul, il dynamite,il disperse, il ventile..." VIP du VHC.
L'interféron est un poison qui guérit. L'interféron altère la pensée et change le regard. Insidieusement il transforme notre monde. Il voile nos couleurs, exacerbe les sons, les émotions. Il fait battre la fièvre ou le détachement. 
En fin de compte, l'effet secondaire qui m'a paru le plus marqué, est une forme particulière de ballonnement du narcissisme. Je ne veux pas dire ici que les injections m'ont fait me trouver beau, mais plutôt que l'interféron m'a réfléchi ou donné à réfléchir sur mon image et sur moi même comme si en permanence il plaçait son miroir devant mes yeux. Plongée profonde en moi dans un silence d'apnée. Retours sur images. 
Tout au long de la parenthèse du traitement, une source ou plutôt une fuite de créativité s'écoulait, régulière, me détournant de la scène alentour, du décor bien connu, m'ouvrant à de nouveaux paysages des nouvelles esthétiques. 

I. Esthétique des débris, des détails et des flaques.
Lorsqu'on ne regarde plus devant soi, alors on voit ce qui se trouve à nos pieds. Là est ce dont on ne ne se soucie pas bien portant, c'est à dire quand on porte la tête haute. Esthétique des caniveaux, des flaques, des débris et  des détails. Tout un monde nouveau, défraîchi révélé à mes pieds, à mes yeux. Illustration en trois photos.

Débris. Terrasse à Belfast.
Détail. Pistil de pavot. 
Par terre. flaque d'eau. Belfast.

II. Esthétique et romantisme de la mélancolie. Langueurs et frissons interferonnés.
Puis il y a aussi un côté plus sombre, qui nous fait sombrer dans la mélancolie. 
La mélancolie, selon "l'Express": ce sont les Grecs qui ont inventé ce terme, au IVe siècle avant Jésus-Christ. Selon le médecin Hippocrate, la bile noire - melas(noir) et kholê (bile) forment le mot "mélancolie" - est, avec la bile jaune, le flegme et le sang, l'une des quatre humeurs du corps. Et de leur équilibre dépend la santé, car la prédominance de l'une d'elles provoque un dérèglement qui agit sur le tempérament. Un excès de bile noire est ainsi censé engendrer tristesse, abattement, morbidité. Paradoxe: la mélancolie - "maladie sacrée", selon le philosophe Aristote - est également la manifestation de la création artistique, à laquelle elle ouvre la porte de l'imagination. Bref sensibilité, mélancolie et création artistique sont intimement liés dans le processus de création artistique occidental et l'interféron, qui semble réduire la transmission sérotoninergique au système nerveux central, pave la voie à de sombres et mélancoliques créations. Illustration par trois cartes postales envoyées depuis ces paysages interféronnés.


Paysage de Corot sous interféron.
Carpe Koy Sauce Rembrandt.
Saint Sébastien gisant en un champ de pêchers.

III. Esthétique de la représentation des corps et de l'autoportrait.
Pendant le traitement, la variété des effets secondaires, le spectacle du corps qui souffre, l'érosion du "moi" physique et mental qui s'en suivent m'ont conduit à m’intéresser à l'esthétique de la perception et de la représentation des corps et de mon corps. L'attention portée aux réactions physiques au traitement jointe au 'ballonnement' du narcissisme caractéristique de l'interféron ont suscité un intérêt renouvelé pour l’autoportrait et  la représentation du corps à selon  les époques, les cultures. Voici trois articles à consulter sur ce thème.
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/10/curiosa.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/12/corps-voiles-devoiles.html
http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/03/decor-encore-des-corps.html


Autoportrait à la masse.


jeudi 20 décembre 2012

Les boules de Noël

Voici le retour des fêtes et des boules de Noël.  Il n'est pas drôle le malade, sans goût ni appétit. Lui, c'est plutôt le boulet de Noël. Cela ne se dit pas, mais on le sent, alors on l'oublie un peu dans les conversations, mais pas trop non plus puisqu'il faut donner le change. 
Souvent on veut lui changer les idées, c'est à dire lui parler 'd'autre-chose', car qui a envie de l'écouter essayer de raconter ce qui est différent ? 


Une fois de plus Ronald eut le sentiment
 que les gens l’évitaient
parce qu'il avait l'hépatite C

Pour ceux qui craignent le blues des fêtes, quelques chants de Noël décalés
à prendre au n+1ième degré. 

Malkhior dans Le classique 'Oh Stille Nacht' (Douce nuit).

Encore Malkhior, qui nous donne ici sa version endiablée de 'Jingles-Bells' (avec Pigmy Johnson)

Didier Super, qui se penche sur les ateliers du Père-Noël. Il nous interprète ici 'Petit enfant chinois' en version outdoor live. Attention, chanson à texte. 

Helmut Fritz (celui de 'ça m'énerve') dans 'Petit Papa Noë'l.


En cette période de fête et d'espoir accueillons avec bienveillance la bénédiction et le message de paix de Philipe Katerine.



Ceci est le dernier post de ce blog avant la date fatidique de la fin du monde.

samedi 15 décembre 2012

Virus au musée

Des artistes et des virus. Qu'en font ils, que disent ils ? Comment représenter les virus pour mieux se les représenter ?

Caitlin Berrigan. Des virus à croquer.


Confiseries virales. 2007. Caitlin Berrigan.
Ces truffes en chocolat reproduisent le virus de l'hépatite C d'après un agrandissement 3D de la structure protéinée du virus. Ces truffes sont artistiquement réalisées à la main à partir de chocolat belge à 72% de teneur en cacao. Elle ne sont pas contaminées. Caitlin Berrigan organisa des séances de dégustation publiques, sortes de performances gourmandes, destinées à caractériser la contradiction entre désir de croquer le chocolat et répulsion qu'inspire la crainte de transmission du virus. Le chocolat devient alors le médium qui permet d'échanger avec le public sur le thème des peurs et des modes de transmissions de maladie virales telles que l'hépatite. http://membrana.us/viralconfections.html

Hépatophagie. 2008. Caitlin Berrigan.
Le décor de l'assiette, dans le style des faïences de Delft, représente l'artiste dans une mise en scène d’auto-cannibalisme.  L'assiette contient un moulage en chocolat réalisé à partir d'une reconstitution IRM 3D du foie de l'artiste. L'illustration s'inspire des descriptions du rituel anthropophage des indiens Tupi du Brésil faites par Hans Staden explorateur hollandais au XVIéme siècle.
Le terme “hépatophagie” fait en même temps référence au renouveau artistique brésilien du XXème siècle qui désigna par  'antropofagi' une démarche de déconstruction des cultures étrangères au moyen de l’assimilation complète de leurs idées, de leurs valeurs, de leurs modes de symbolisation du monde. 

En 2008,  ces  'entrées' multiples sont offertes au public  'en l'assiette' au cours de performances rassemblant  plus de cent personnes invitées à dévorer des répliques en chocolat du foie de l'artiste. La dégustation du chocolat se trouble d'un sentiment de transgression lié aux dimensions érotiques et cannibales présentes dans l'assiette. Les bouches qui consomment symboliquement le foie de l'artiste représentent ainsi la destruction réelle du foie que connait l'artiste, porteuse d'une hépatite C.

Bjork. En musique.

Dans sa chanson 'Virus', la chanteuse finlandaise Bjork chante les interactions existant entre un virus et son hôte. L'invasion silencieuse et opportuniste du virus, et les rapports ambigus, fusionnels faits de temps, de silence et de fascination qui s'instaurent entre le virus et son hôte. La video, et ses superbes paysages viraux qui illustrent les paroles de la chanson de Bjork.

Like a virus needs a body and soft tissue feeds on blood Someday I'll find you, the urge is here, ohh-ohh Like a mushroom on a tree trunk as a protein transmutates I knock on your skin and I am in, ohh-ohh The perfect match, you and me, I adapt, contagious You open up, saying welcome Like a flame that seeks explosives as gun powder needs a war I feast inside you, my host is you, ohh-ohh The perfect match, you and I, you fail to resist My crystalline charm, you do Like a virus, patient hunter I'm waiting for you, I'm starving for you, ohh-ohh My sweet adversary, ohh, my sweet adversary, 
ahh My sweet adversary                
Björk. Biophilia. 2011.

Helène Chadwick. Echanges et interactions.


Helène Chadwick est une artiste anglaise  de la fin du XXème siècle qui a inspiré Damien Hirst et Tracey Emin. La série 'Viral Landscapes' (Paysages viraux) réalisée en 1988 et 1989 se compose de  cinq montages de grande dimension  (1.2x3.0 m).  Les 'Viral landscapes' sont des images agrandies des cellules du corps de l'artiste infectées par un virus, surimposées sur des photographies de côte maritime. La rencontre de la mer et de la terre symbolise alors l'union du virus et de la cellule-hôte. Comme les cellules qui sont modifiées par le virus, le corps 'absent' de l'artiste se trouve transformé, ce qui donne naissance à un corps nouveau. Pour Helen Chadwick, les points de contact entre un virus et et les cellules du corps sont 'les territoires d'une rencontre fertile, un échange entre systèmes informationnels et vivants, sur le rivage de la culture". (citations extraites de Helen Chadwick, Enfleshing, 1989. Dans le contexte de prise de conscience des ravages du Sida  de la fin des années 80,  il s'agit ici de représenter le changement et l'évolution, les interactions entre l'individu et la nature, le virus et son hôte.
http://www.liverpoolmuseums.org.uk/podcasts/transcripts/viral_landscapes.asp

Keith Haring. Activisme.


Pendant les années 90 les milieux artistiques occidentaux, particulièrement touchés par le virus du VIH, vont œuvrer à changer l’opinion publique sur le cette maladie honteuse. Cette période a été marquée par une volonté très active d’œuvrer à une prise de conscience collective des maladies virales et de leurs modes de transmission.
Keith Haring, né le 4 mai 1958 est un artiste, dessinateur, peintre, sculpteur et activiste américain des années 1980. En 1988, Keith Haring apprend qu'il est infecté par le virus du sida. Il s'engage dès lors fortement dans la lutte contre cette maladie, mettant son art et sa notoriété au service de cette cause et de sa visibilité. Il meurt à 31 ans des complications dues à sa maladie


Laura Splan. Napperons.



"Mon travail explore les perceptions de la beauté et de l’horreur, du confort et du malaise. J’utilise l’imagerie anatomique et médicale comme un point de départ afin d’examiner ces dualités et notre ambivalence envers le corps humain. Les virus, le sang, les rayons x et les viscères peuvent être à la fois troublants et séduisants. J’ai souvent combiné des images et des matériaux scientifiques avec des matériaux plus domestiques ou familiers. L’ornementation du papier peint ou la conception d’un napperon apporte une sorte de soulagement dans sa familiarité et sa structure agréable. Cette juxtaposition crée une réponse qui oscille entre séduction et répulsion, confort et aliénation. J’essaie de créer un travail qui évoque une expérience dichotomique avec des images formelles qui, lors d’examen plus attentif, révèlent une certaine vérité inconfortable sur nos conditions culturelles et biologiques. Mon travail tente de remettre en question nos réponses préconçues à ces images en incitant le spectateur à y regarder à deux fois afin de réévaluer ses perceptions initiales."
http://www.laurasplan.com/projects/doilies.html


Luke Jerram. Virus de verre.

Le virus du H1N1 est beau. C’est en tout cas le point de vue de l’artiste Luke Jerram, qui a réalisé une sculpture en verre soufflé du virus.
Luke Jerram a déjà créé des sculptures de différents virus, tels les virus de la grippe aviaire (H5N1), du sida, du E. coli (colibacille) ou encore de la variole. La série s’intitule « Glass Microbiology ». « Cette sculpture a été créée pour éclairer les problèmes soulevés par le virus de la grippe H1N1, la pandémie globale et l’imagerie du virus présentée au public par les médias » déclare l’artiste.
http://www.lukejerram.com/glass/gallery

Alicia Watkins. Point de croix.
Alicia Watkins. Point de croix.
Quoi de plus mignon que de redécouvrir toutes les maladies dégueulasses, les plus célèbres en point de croix ? Amateurs de broderies, on vous conseille. de jeter un œil au travail de Alicia Watkins sur son Site Etsy. 

Photos cristallographie aux rayons X et plus récemment, la cryomicroscopie avec reconstitution en 3D"

jeudi 6 décembre 2012

Corps voilés dévoilés

'Nous n'avons pas un corps, nous sommes un corps'. Partant de là vous comprenez mon intérêt pour la représentation du corps, et pourquoi déjà plusieurs posts à ce sujet dans ce blog.
Dans ce domaine, mes dernières découvertes sont des images du corps dans les arts visuels arabes. Même si la production d'images figuratives d'êtres vivants fait l'objet de débats complexes dans la civilisation islamique, la peinture arabe possède une complète iconographie de la représentation humaine et  la récente exposition à l'Institut du Monde Arabe ' le corps découvert'  nous l'a démontré.
Comme toutes les religions monothéistes, l’Islam a alterné, au cours des époques, une attitude bienveillante ou rigoriste devant le corps et la nudité. 
Depuis le manuel d'érotologie du cheikh Mohammad Al Nefzaoui 'La prairie parfumée' (XVIème siècle) qui pousse la précision maniaque jusqu'à inventorier une centaine de noms correspondant à des conformations différentes des organes sexuels masculins et féminins, l'Islam a connu une pénurie d'images jusqu'à la fin du XIXème siècle. A cette période les premiers peintres et photographes orientaux, libanais et égyptiens, abordent le nu comme sujet en soi. Cette époque fut marquée par l'esthétisme et l'orientalisme.  
Aujourd'hui les artistes arabes contemporains utilisent le corps nu comme un engin de guerre, un manifeste humain, culturel, social et politique. Dialectique du voilement et du dévoilement, de l'habillé et du déshabillé, de l'opaque et du transparent. Voici donc un aperçu de l'art arabe du corps découvert qui est à la fois reprise des codes et une reprise de possession du corps 
Le nouveau rigorisme puritain risque d'escamoter, en le revoilant, le corps dévoilé, libéré, réapproprié, ce corps transgressif, scabreux, dangereux, subversif, véritable corps du délit. 
En attendant promenons nous sous le ciel du printemps arabe.
Bismillah,
Ozias 

Majida Katthari

Plasticienne et vidéaste marocaine, Majida Khattari est née à Erfoud (Maroc) en 1966. 
Elle vit et travaille à Paris depuis 1989http://www.majidakhattari.com/photos/voile-devoile/index.html


Zoulikha Bouabdellah
Zoulikha Bouabdellah est née en 1977 (Moscou),Elle habite et travaille à Paris (France) et Casablanca (Maroc). http://zoulikhab.com/


Meriem Bouderbala
Meriem Bouderbala est née en 1960 à Tunis.Elle vit et travaille entre Tunis et Paris.



Adel Abidin. Psyché (installation vidéo)
Adel Abidin est né en 1973 en Iraq. Il vit et travaille à Helsinki (Finlande). http://www.adelabidin.com/


 Fatima Mazmouz. Nature morte (série  femmes enceintes)
La production artistique de Fatima Mazmouz débute en 1998 comme un moyen d'interroger sa propre identité dans sa complexité de femme, artiste, d’origine marocaine. http://www.fatimamazmouz.com/fatima/


Laila Muraywid
Laila Muraywid est née en 1956 à Damas (Syrie). Elle vit et travaille à Paris.


Youssef Nabil
Youssef Nabil est né au Caire en 1972. Actuellement il vit et travaille à New-York. http://www.youssefnabil.com/photos/works2a.html


Tango. Mehdi Georges Lahlou
Mehdi Georges Lahlou est né en 1983 aux Sables d'Olonne (France). Il vit et travaille à Bruxelles et Paris. http://www.mehdigeorgeslahlou.com/