vendredi 31 août 2012

'Sans toi ma fièvre, je suis bien ordinaire'

Assis croix. Philippe Croq
Me voilà rendu à Négativ'land, sauf et sain je l'espère. Si, comme dit Joyce 'Les erreurs sont les portes de nos découvertes', voyons ce que je retiens de l'expérience d'une année de maladie. Nombriliste confession.

Tout d'abord cette année  m'a appris et m'a démontré que le monde- il faut entendre ici mon 'petit' monde social et professionnel- sait se passer de moi. Même si je savais cela par construction,  j'ai eu du mal, les premiers mois, à me désengager de mes activités habituelles et à communiquer à ce sujet . Malgré ces débuts difficiles, la suite s'est  finalement révélée au delà de mes attentes. Positionnement interne plus difficile encore, à l'issue de 18 mois de réflexion la question de savoir jusqu'à quel point je saurais me passer de moi même reste ouverte.

Cette expérience de "décorporation sociale "m'a aussi fait voir ce que ce 'petit' monde attendait de moi et ce que je vaux, ou valais à ses yeux. J'ai pu m'apercevoir de ce qu'il  me donnait et aussi de ce qu'il me prenait, et des parties de moi dont il ne voulait pas. Ainsi j'ai senti que 'le droit', la possibilité même d'être absent, différent, malade ou reconnu comme tel m'était parfois contesté, refusé ou dénié. J'ai vu trop de temps perdu dans de futiles échanges, de vaines batailles. J'ai aussi pu toucher des censures et des non-dits entourant mon histoire, mon rôle, ma personnalité.  Ce recul, ce 'voyage astral hors du corps social' que constitue la maladie m'a permis de voir et de prendre la mesure de l' écart qui existe entre les attentes de mon  entourage et ma situation, mon  état, bref ce que je suis en profondeur. 
Ces observations ont été rendues possibles par le 'désalignement'  des  'planètes' individuelles et sociales qu'a produit la maladie. Lorsque j'étais 'en rideau'  la représentation du personnage de mon rôle social était suspendue et j'ai pu suivre la scène, le spectacle depuis les coulisses,  derrière le rideau. Rare moment de lucidité, vagues bouffées de désenchantement. 

Ainsi, par la force des choses par cette perte de forces physiques qui nous dégage du champ des contraintes sociales ordinaires la maladie nous rend physiquement à nous même. Autant qu'elle nous isole et nous enseigne à nous passer de nous même, notre maladie nous rappelle que nous sommes vivants, humains, uniques.  

Ozias

PS: Pour le titre, je cite Richard Bohringer

vendredi 24 août 2012

Hépatites sympathiques

Hépatique, de nom savant Hepatica, est un genre de plantes de la famille des Ranunculaceae. C'est une sorte d'anémone. Le nom provient de la forme de leurs feuilles, qui rappelle vaguement les lobes du foie. Les dix espèces répertoriées dans le genre habitent toutes des forêts feuillues des zones froides de l'hémisphère nord.
On distingue dix espèces réparties en deux groupes selon que la plante présente des lobes foliaires entiers ou des lobes crénelés.
L'Anémone hépatique, ou Hépatique noble, ou Hépatique à trois lobes (Hepatica nobilis) est une plante hermaphrodite que l'on rencontre typiquement  dans sous-bois herbacés médioeuropéens, basophiles dans les, broussailles, prés, et même rochers, surtout en montagne en Europe continentale. C'est une plante à la floraison précoce (mars-avril) dont il existe des variétés cultivées. Séchée, elle peut être utilisée pour ses propriétés diurétiques en macération dans de l'eau ou du vin.
Plus sur les différentes variétés d'hépatites :http://fr.wikipedia.org/wiki/Hepatica



Mon oesophage hépatique et baryté
L' Hépatite est une variété de Baryte . 
Hepatite "A variety of Baryte that emits a fetid odour when struck". [Clark, 1993 - "Hey's Mineral Index]" 

(http://emagicworkshop.blogspot.fr/2012/05/hepatite-mineralogie-lithotherapie-le.html)
La Baryte (BaSO4) est une pierre de couleur claire qui tient son nom de sa densité élevée (4,8) et du grec ancien βαρύς signifiant « lourd ».  
En raison de sa densité  la Baryte est utilisée dans la radiologie médicale en tant que contrastant puisque elle modifie l'absorption des rayons X. 
Pour un examen de l'oesophage, ou du tube digestif, on avale à jeun et par petites lampées deux bons verres de baryum liquide . Le Baryum liquide ressemble à un lait frappé pâle. Pas trop désagréable au début, mais après quelques gorgées l'odeur fétide caractéristique du minerai hépatite prend le dessus. On est bien content quand c'est fini ! En cadeaux, une photo en noir et blanc inédite du transit oesophagien et la promesse d'une semaine de selles pastelles.


Bien encyclopédiquement, 

Ozias

jeudi 16 août 2012

Lexique hépatique

Dico. Jean-Paul Vigne
La rentrée c’est l’entrée de nouveaux mots et de nouvelles définitions dans les dictionnaires. Comme toute communauté  les hépatites possèdent leur argot. Je passe ici sur les acronymes médicaux tels que ALAT, PCR, ES, TTT, ainsi que sur les termes déjà plus imagés comme répondeurs, faux répondeursrechuteur, naïf.
Je m'en tiendrai à quelques mots du jargon de la communauté des patients, des malades. Voici quelques exemples, par ordre alphabétique. J’espère que cet article, loin d'être exhaustif s'enrichira prochainement de vos trouvailles, de vos pépites

C : [se] n.f. Hépatite C. « J’ai la C ». Point.

CO-INF [ᴋᴐ-ԑf] : n. Abbrev. De Co-Infecté. Désigne un porteur HVC-HIV. Respects.

ENFOIERÉ, ÉE : [ἇfwaRe] n. Pop. Personne affectée par un problème de foie.Voir hépatant. J’aime bien ce terme qui, utilisé à bon escient, fait un clin d’œil aux restaus du cœur et annonce bien la couleur. "Par ailleurs, Enfoieré évoque bien ce mal de foie qui fait mal par où il passe" Ozias.

FLECHETTE : [fle∫ԑt].n.f. Désigne la seringue d’interféron qui se fixe hebdomadairement sur la cuisse ou dans le ventre. Viser droit au but !. " fléchette le Jeudi soir, malade le Vendredi, réveil douloureux du Samedi....la routine. " (Thierry A).

HEPATANT, ANTE: [epatἇ, ἇt] n. et adj.I.N Personne qui souffre chroniquement du foie pour diverses raisons telles que cirrhoses, hépatites, etc.  Le pluriel d'un hépatant c'est des z'hépatants. Locution qui au pluriel peut se contracter en ZHEPs.  Exemple d'utilisation : 'salut les zheps'. Syn. Enfoieré. II Adj. Qui a rapport aux affaires du foie. Ex : « Une histoire hépatante ».

HEPATONAUTE : [epatnot].n.m. Néologisme désignant l’ hépatant internaute. Les Hépatonautes se  rencontrent principalement sur les réseaux sociaux, les forums, les blogs.

HEPAVER : [epave].V. intr. Etre hépavé, ou hépaver,  c'est être réduit à l’état d’épave par suite du traitement. "J’ai passé le week-end à hépaver sur le canapé" (Eve M).

NEGATIV’LAND : [negativἇd].np. Désigne la terre promise de tout hépatant en cours de traitement. Le voyage vers Négativ-land nécessite selon les connaissances actuelles un minimum de six mois de traversée.

NIAKE ou GNIAKE ou GNIAKK:[njak] n.f.du grec Nike « victoire ». Désigne à la fois la santé, le courage et la volonté lutter. « La gniake à tous » (Lily O).

VIRUS : [viRys]n.m. (1478 ; mot lat. « suc, venin, poison »).  Particule microscopique infectieuse aux synonymes multiples. Quelques exemples de synonymes hépatiques . Tanguy (voir le film) ou mon coloc (proposé par VIP du VHC), mon intrus mon squatter (Christine Soler), mon free-rider (apprenti hépatant), ma crevette, mon invader, pacman (il a bon appétit), mon colon (il se croit chez lui) ,  prédator, mon ami de trente ans (datation estimée), Torchefoie, Fibrose( 13ème mois du calendrier révolutionnaire), mon coucou (il pond ses oeuf dans le foie des autres), Bob l'éponge (cf image du foie cirrhosé), ma troisième couille (qui ne me sert à rien), la C (classique), la grande muette (qui a sû se taire pendant trente ans), le sniper (discret et dangereux), kiscool (son fameux effet retard), mon teigneux (il l'est et aussi un peu ténia), charon (capable de faire traverser le léthé), ma charogne (amical mais pas tant que ça), l'Autre (c'est l'enfer), 55nanos (dimension estimée)'...


ZHEPs: [zԑp] n. syn. N. fam. S’emploie principalement au pluriel. Désigne ceux qui souffrent chroniquement du foie pour diverses raisons telles que cirrhoses, hépatites, etc. Syn : hépatant.
La Niake !
Ozias

samedi 11 août 2012

Les Eaux

A l'eau à l'eau ! Le foie et l'alcool ne font pas bon ménage. J'ai arrêté l'alcool. Alors, je bois, systématiquement ... de l'eau - ou plutôt les eaux-.
Pas désagréable en soi car la variété des crûs en matière d'eaux n'a rien à envier à celle des breuvages fermentés. Par exemple, je suis prêt à parier que vous n'avez jamais trempé les lèvres dans la moitié des appelations que l'on trouve sur un linéaire de supermarché. Pour ceux que cela tenterait, voici d'ailleurs l'adresse d'un bar à eaux où, à l'issue d'une visite de musée consacrée à cet élément vous pourrez choisir parmi  une collection de 1700 bouteilles en provenance des meilleures sources du monde entier. http://www.musee-eau.com/bar/index.html

Cette année, n'osant pas trop m'exposer au soleil suite à des problèmes de peau liés au traitement, et aussi car je suis un pêcheur invétéré,  j'ai passé les vacances en Irlande. Une île, au milieu d'un océan d'eaux salées, criblée de lacs, sillonnée de fleuves rivières et arrosée annuellement par près d'un mètre de précipitations. Boisson nationale la Guiness.  Juste un chiffre pour fixer les idées : "Du vendredi à 17 heures, jusqu'au lundi à 3 heures du matin, les Dublinois boivent 19 800 pintes de bière à l'heure!". Ici, comme ailleurs d'ailleurs, le plus difficile pour moi est de faire comprendre que je ne bois pas d'alcool. La tête des serveurs quand je commande une eau pétillante au restaurant ! dans un pub, je n'ose même pas essayer, je n'y suis pas entré.
En effet, annoncer, et expliquer ici que l'on ne boit pas d'alcool est un dilemme hépatant. Pour éviter les détails techniques au sujet de la fibrose et de son origine, Voici les faibles arguments, ou les pirouettes que j'ai pu trouver: 
* je conduis, 
* ma religion pourrait me l'interdire, 
* boire me rendrait encore plus  bête et méchant,
* j'attends un enfant (énorme !) 
* ça me soûle de boire
Donc, rien de convaincant  pour expliquer que je ne bois pas d'alcool et que je suis à l'eau.
Bref, comme écrit Norman Mailer à l'issue de son livre 'a river runs through it', le pêcheur que je suis est hanté par les eaux.

Ozias

https://www.vice.com/fr/article/3kxnyy/comment-arreter-de-boire-ma-enfin-rendue-cool

PUB ! A propos d'eaux, voici un brin d'historique des relations entre l'eau et le foie selon Vichy Saint-Yorre.
1967 St-Yorre se penche sur ce grand mal, unique aux Français, la "crise de foie". L'humour fait son apparition : Vivez sans foie, Vivez cent fois mieux avec St-Yorre. (1967). 

Mon foie ? Connais, pas ! (1968). Bon foie Mesdames, Bon foie Messieurs (1972).
1972 l'affiche de Villemont
Villemot franchit le pas de la publicité classique et donne à l'affiche une dimension artistique. La force des campagnes Saint-Yorre est bien là : utiliser le talent des plus grands graphistes au service d'une réalité : L'eau facilite la digestion.



 http://www.st-yorre.com/index2.php?T=110&A=441

vendredi 3 août 2012

Mal parti ! Alleluïa ? Champomy !



Et voilà, mes résultats de PCR à 6 mois sont arrivés: Négative ! Dans ce cas, comme dit Virus Killer, 'négative is positive' ! C'est donc officiel, j'ai vaincu ma crevette, ma 'C'.  Oui, ma crevette, c'était le petit nom que je donnais à mon virus. Pas le grand crabe du Cancer, mais juste le petite crevette de la C, la crevette ce minuscule monstre de circonspection qui vit caché au sein des profondeurs sanguines.
Le pêcheur que je suis est presque fier de sa prise: un beau Génotype1, âgé d'une trentaine d'années, mis à l'épuisette après 6 mois de combat à l'interféron et à la ribavirine. Je l'ai eu à l'économie, Tout en sobriété. Alors aujourd'hui Champomy mes amis !!! (F3+ oblige).
C'est vrai que ce fatidique seuil de 15UI change les choses. Tout d'abord je n'ai plus à craindre d'être contagieux. Exit les paranos de la brosse à dent ou de la  coupure. Ensuite, ça veut dire qu'une page se tourne et que je redeviens 'normal'. Normal, mais sans doute 'autre' qu'avant.

Je ne sais pas si je n'ai jamais été 'normal' mais aujourd'hui, c'est sûr, je me retrouve bien 'mou de la branche'. Marée basse. J'attends le retour de l'appétit, des projets, de l'ambition, de la pêche, de la 'niake'. Bref, j'ai un peu envie de rien du tout. Les pilules roses ont terrasé ma 'C' et du coup j'ai dégusté aussi. Encore du mal à avaler, 'ça ne passe pas'. Après le blitz du traitement je me retrouve échoué, 'hépavé'  sur une île nouvelle que je voudrais quitter. 
Le virus est viré, je suis peut être guéri du foie mais ça n'est pas fini. En tout cas le Champagne, 'celui d'avant' ce sera plus tard.
J'ai bien  trinqué, et bien trinquons maintenant !
Santé, Ozias